Trois questions à … Christian Paul, ancien ministre et député de la Nièvre.

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    La convergence numérique est au cœur des débats sur la loi relative à la télévision du futur. Après son adoption par le Sénat la semaine dernière, l’Assemblée Nationale en discutera en début d’année 2007. Le groupe socialiste, à l’image de Christian Paul, s’annonce critique vis-à-vis de l’un des derniers projets de loi avant l’échéance présidentielle.

    média+ : Quelles seront les conséquences de la convergence numérique ?

    Christian Paul : J’y vois plus d’avantages que d’inconvénients. Le miracle du numérique permet la fusion des terminaux et de faire voyager des contenus numérisés sur tous les réseaux. Un même objet remplissant les fonctions de téléphone, d’ordinateur, de télévision, de baladeur sera une réalité demain, même s’il reste encore un peu mythique. Le haut débit permet cette convergence. On sort de l’âge des médias classiques peu nombreux, à cause de la rareté des fréquences de télévision. À présent, une explosion des nouveaux médias est possible. L’enjeu concerne la liberté d’expression, la diversité culturelle et le pluralisme. Ceci nous met au défi d’inventer des règles pour ce nouveau système informationnel. Il y a aussi des risques de concentration des canaux de distribution qui peut prendre une place hégémonique. On voit déjà apparaître des questions comme l’interopérabilité, qui désigne le passage d’un support ou d’un canal à un autre. On mesure son importance au regard de la manière dont Apple a cannibalisé la distribution de la musique en ligne. C’est un débat européen et, sans doute, mondial. Il faut trouver une manière de transposer des principes de liberté que l’on défend depuis deux siècles à un univers numérique.

    média+ : Ce nouveau paysage audiovisuel est-il favorable aux grands groupes de médias ?

    Christian Paul : Donner aux médias historiques une place prédominante dans les médias du futur est un choix politique. Je ne suis pas convaincu que l’on ne puisse pas faire un partage plus efficace sur la TNT et la télévision mobile. Le gouvernement est allé dans le mur en klaxonnant. On veut préserver des situations acquises et des positions dominantes. Le Parlement ne devrait pas agir dans ce sens. On va beaucoup trop vite dans l’attribution de ces nouvelles parts de marché. On aurait bien été inspirés de ne pas se contenter d’un raisonnement numérique très sommaire qui consiste à dire que ces opérateurs vont y perdre avec la disparition de l’analogique et donc il faut leur donner, au fond, une nouvelle rente. Je pense qu’on aurait dû et qu’on peut encore procéder autrement. Nous attendons avec impatience que la loi sur la télévision du futur vienne devant l’Assemblée Nationale.

    média+ : Que préconisez-vous ?

    Christian Paul : Il faut appliquer des lois anti-concentration et de défense du pluralisme. Je pense qu’on est à la veille d’une explosion de nouveaux médias comme on en a connu avec les radios libres dans les années 80. Il faut regarder comment aider toute une génération de « webtélés » à naître grâce sur internet. Je ne dis pas que cela suffise à équilibrer la situation, mais nous devons aider cette création. Ne pas la brider par une réglementation inadaptée. Il faut s’interroger sur la manière dont on contrôle le respect du pluralisme politique, indispensable en période de campagne électorale. Personne ne peut aujourd’hui contrôler le temps de parole sur des milliers des podcasts ou des blogs. Les télés associatives ne doivent pas être régulées comme on le fait depuis 20 ans alors que les fréquences étaient rares et que l’on avait affaire à des géants de l’audiovisuel. Si la tentation était de procéder par voie d’autorisation préalable, ce serait une erreur.