Twitter : les «veilleurs» parlementaires dépeignent la vie de l’Assemblée et du Sénat avec ironie

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Suivre l’affaire Benalla «comme une série télé», railler le «cirque» des questions au gouvernement (QAG) ou rudoyer un amendement «écrit avec les pieds»: les «veilleurs» parlementaires dépeignent la vie de l’Assemblée et du Sénat avec ironie sur Twitter, de jour comme de nuit. Actuels et anciens assistants parlementaires ou ex-néophytes «contaminés par le virus de la politique», ils se muent en pédagogues pour expliquer, souvent sur le ton de l’humour, «l’importance du Parlement», voire lutter contre l’antiparlementarisme. Valentine Serino dit mener cette «bataille culturelle». Collaboratrice du député Julien Dive (LR), elle chronique à ses heures perdues la vie parlementaire sur Whip «la chaîne (YouTube) du jeu politique», le blog «Les cuisines de l’Assemblée» et distille des commentaires sur Twitter. Parmi ses dernières contributions, une vidéo pour comprendre le PLF (projet de loi de finances), «l’une des causes les plus fréquentes de dépression des professionnels du milieu politique», surtout cette année avec un calendrier engorgé. «Suivre les débats prend beaucoup de temps mais écrire un billet d’humeur non. On écrit parfois sur des choses anecdotiques, des «running gags» dans l’hémicycle… On y prend goût!», explique cette ancienne étudiante en sciences politiques. «C’est une vulgarisation de l’intérieur», selon Thierry Vedel, chercheur CNRS au Cevipof. «C’est intéressant car c’est un peu comme un témoignage. Quelqu’un du milieu vous explique comment ça marche, avec la particularité de vouloir amuser son public», poursuit cet expert de la communication politique. La création, il y a trois ans, du projet Arcadie, une base de données sur les parlementaires français, Tris Acatrinei l’a prise «comme un jeu». L’ex-assistante parlementaire, tombée dans la politique «comme Obélix dans la marmite de potion magique», passe le plus clair de son temps à réactualiser ses fiches et à live-tweeter les débats. Amendements mal ficelés, prises de position contradictoires, discours ennuyeux… Cette spécialiste en cybersécurité ne ménage pas les élus. «Je me moque de tout le monde, sans parti pris», affirme celle qui dit oeuvrer aussi pour briser les idées reçues sur les parlementaires. Ex-collaborateur du groupe écologiste sous la précédente législature et reconverti journaliste, Pierre Januel traque, lui, les imprécisions des députés ou les événements saillants en séance. Il avait notamment isolé en 2013 la vidéo du «poulegate», quand un député UMP avait imité les caquètements d’une poule pour moquer l’écologiste Véronique Massonneau. Ce lecteur assidu du Journal officiel milite notamment pour réduire la durée des «DG»

– les discussions générales qui précèdent l’examen des amendements – «pénibles à mourir». Le live-tweet des séances procure «un vrai plaisir à rentrer dans le fond des débats techniques», commente Tangui Morlier, l’un des membres fondateurs de Regards citoyens, collectif d’une cinquantaine de membres actifs qui décortiquent depuis bientôt dix ans l’activité des parlementaires en s’appuyant sur des données publiques. Dès 2009, des collaborateurs parlementaires avaient lancé le hashtag #QAG pour suivre plus aisément et commenter de manière décalée ces séquences bihebdomadaires. «C’est en réalité un vaste cirque», selon @zeFML, ancienne collab’ préférant garder l’anonymat. «On décernait un prix au plus grand flagorneur chaque semaine, la «Chupa d’or»», raconte celle qui travaille aujourd’hui dans le privé. Devenu selon elle «un outil de com’ ennuyeux» repris par des militants «incapables de prendre du recul une seule seconde», il a donné naissance à un vrai live-tweet des séances sous le hashtag #DirectAN. Mais celui-ci est parfois nourri aussi par des «militants extrêmes, incapables de s’arrêter» et pouvant verser dans l’antiparlementarisme.