V. FLEURY (France Médias Monde) : « Sur le numérique, nos médias performent chaque année un peu plus »

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France Médias Monde (RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya) a signé une nouvelle année record sur le numérique en 2023 avec une empreinte digitale qui s’élève à 88 millions de contacts chaque semaine. Alors que le groupe enregistre près de 500 millions de visites dans ses environnements propriétaires, Média+ a voulu en savoir davantage. Entretien avec Vincent FLEURY, Directeur des environnements numériques de France Médias Monde.

Comment France Médias Monde compte-t-elle accroître son audience sur les plateformes émergentes ?

Sur le numérique, nos médias performent chaque année un peu plus. En 2023, ce sont 3,7 milliards de vidéos vues et d’audios qui ont été lancés, et nous avons compté près de 500 millions de visites sur nos sites et applications propriétaires. Un des récents développements majeurs est le lancement des chaînes WhatsApp. France Médias Monde se positionne en tête du classement des médias français, avec plus de 7 millions d’abonnés sur l’ensemble de nos chaînes. Cela montre que nous répondons à une attente de nos audiences avec une édition spécialement pensée pour WhatsApp. C’est aussi un gage de confiance, car nos abonnés nous font entrer dans une forme de communication continue et voulue via une messagerie, avec plus d’intimité que sur les réseaux sociaux. Nous restons attentifs à l’engagement de nos audiences sur cette plateforme, et expérimentons toujours, avec par exemple le lancement récent d’une chaîne éphémère RFI – France 24 dédiée à la Coupe d’Afrique des Nations 2024, qui fonctionne elle aussi très bien.

Sur quelle autre plateforme souhaitez-vous accélérer votre développement ?

TikTok ! Et comme nous sommes mondiaux et plurilingues, on se positionne sur beaucoup de plateformes. RFI en chinois en utilise par exemple de très spécifiques. InfoMigrants est très présent sur toutes les messageries, à l’image de Viber ou Telegram en plus de Whatsapp, qui sont très utilisées par les migrants tout comme certains réseaux sociaux.

Et pour engager les jeunes audiences ?

Nos audiences sont globalement jeunes, en Afrique et dans le monde arabe notamment où le poids de nos audiences, couplé aux réalités démographiques, font que la moyenne d’âge de nos publics se situe entre 35 et 40 ans pour RFI et France 24 dans la forme traditionnelle. Nous avons aussi des offres entièrement dédiées aux publics jeunes. Ainsi, ENTR s’inscrit comme une offre 100% vidéo et réseaux sociaux dédiée aux jeunes européens. Lancé en partenariat avec nos homologues allemands de Deutsche Welle et en lien avec une dizaine de médias et d’organisations de la société civile en Europe, ce média numérique en 8 langues a pour vocation de susciter l’engagement des jeunes, avec leurs codes, leurs formats, et grâce à des sujets qui leur parlent, sur YouTube, Instagram, TikTok… Forts de ce succès, la présidente de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, a proposé pour les années qui viennent le projet d’un média numérique fondé sur un modèle équivalent à destination des jeunes en Afrique, réalisé sur le continent par des jeunes journalistes africains à l’image des publics visés.

Comment le groupe peut-il utiliser les données d’audience pour affiner ses contenus ?

Les rédactions et la direction des environnements numériques de France Médias Monde travaillent étroitement avec le pôle data de la direction des études. Cette équipe agrège les données des différentes sources sur lesquelles sont distribués nos contenus et les restitue via des tableaux de bord qui permettent aux différents métiers de piloter leur activité. En tant que médias de service public, nous ne sommes pas «data driven» mais «data informed». Les données viennent aider à la décision sans pour autant déterminer la production éditoriale.

Quelles sont les opportunités digitales liés à l’expansion de France Médias Monde sur de nouveaux marchés internationaux ?

Nous émettons en 21 langues avec des implantations locales et un riche réseau de correspondants. Nous bénéficions d’une expertise reconnue à l’international et d’un savoir-faire quand il s’agit de se déployer sur une nouvelle langue ou une nouvelle zone géographique. Les langues étrangères de RFI constituent en ce sens un bon exemple. Elles sont très puissantes sur le numérique et ont enregistré un nouveau doublement de leur audience en 2023 avec 48 millions de vidéos vues chaque mois. L’intelligence artificielle va certainement nous aider à accélérer ces déploiements dans des zones constituant de gros bassins d’audience mais elle constitue également un abaissement des barrières à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché. Nous risquons d’être exposés à une concurrence qui n’aura pas forcément les mêmes exigences de qualité de fabrication de l’information que nos médias dans lesquels jamais l’IA ne remplacera l’humain.

De quelle manière France Médias Monde peut-elle renforcer la fidélisation de son audience ?

France Médias Monde propose une information professionnelle, indépendante et vérifiée. Cela constitue le socle de la fidélité de nos publics. Le groupe travaille néanmoins sur différents axes pour renforcer cette fidélisation. Cela passe notamment par une politique d’acquisition qui doit évoluer et contribuer à la redéfinition des parcours utilisateurs sur nos offres propriétaires. Notre approche produit favorise également le dialogue avec nos audiences et nous permet à travers sondages et entretiens de comprendre leurs attentes et de répondre aux problèmes qu’elles rencontrent.

Comment le groupe peut-il intégrer de manière efficace les nouvelles technologies ?

Nous avons une feuille de route clairement établie pour 2024 sur l’IA. Notre priorité n’est pas la personnalisation ni la recommandation de contenus mais nous privilégions dans un premier temps la formation et l’aide à la production pour les journalistes et autres métiers de l’entreprise qui peuvent en bénéficier. Dans un groupe multilingue comme le nôtre, vous imaginez l’aide qui peut être apportée par la transcription, le sous-titrage, le résumé, la détection de mots-clés automatisés, toujours sous contrôle journalistique. Nous avons aussi un sujet «traitement des données».

Et pour contrer les problématiques de censure et de blocage de vos sites dans certains pays comme en Russie et au Mali ?

Avec l’appui de RSF, nous proposons des sites miroirs comme alternatives à nos domaines lorsqu’ils sont bloqués, comme c’est en effet le cas en Russie ou au Mali. Notre politique d’hyperdistribution permet également de retrouver nos contenus sur les réseau sociaux, plateformes vidéo et messageries qui sont plus difficiles à couper. Certains internautes ont aussi déjà pris l’habitude d’utiliser des VPN pour contourner la censure qui les empêche d’accéder aux contenus souhaités.