Interdire la «sexualisation» des mineurs à l’écran, réglementer les castings et le travail des enfants-acteurs: la commission d’enquête de l’Assemblée sur les violences sexuelles dans la culture livre près de 90 recommandations pour freiner «la machine à broyer les talents». Pendant près de six mois, 350 personnalités du cinéma, de l’audiovisuel ou du spectacle vivant ont été questionnées sur leurs pratiques après l’onde de choc soulevée par Judith Godrèche, qui a accusé début 2024 les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon de l’avoir violée alors qu’elle était mineure. Consigné dans un rapport devant être publié mercredi, le constat des membres de la commission d’enquête est sans appel. «Les violences morales, sexistes et sexuelles dans le monde de la culture sont systémiques, endémiques et persistantes», écrit sa présidente, l’écologiste Sandrine Rousseau, dans ce document qui étrille les abus commis sous couvert de création artistique. «Dans notre pays, on a un culte du talent et du génie créateur», détaille Erwan Balanant, député centriste et rapporteur de la commission. «Et ce génie créateur a une sorte de quitus pour créer son oeuvre, qui serait, pour certains, plus importante que les règles de notre République». ««L’exception culturelle», mais à quel prix?», s’interroge le rapport. Pour y répondre, la commission brasse large au gré de 86 recommandations. Elle appelle notamment à «poser le principe d’une interdiction de la sexualisation des mineurs» à l’écran et dans les photos de mode et à «réglementer» les castings, «lieu de tous les dangers», en imposant qu’ils se tiennent dans des locaux professionnels et excluent les scènes dénudées. «Trop nombreux sont les directeurs de casting et les agents artistiques à profiter de l’extrême vulnérabilité (des acteurs et actrices) pour obtenir, de gré ou de force, des faveurs sexuelles», estime le rapport. La commission recommande également d’étendre la présence obligatoire d’un responsable des enfants «à toutes les productions artistiques», alors que la présence de référents mineurs sur les tournages était encore facultative jusqu’à très récemment en France. Pour les majeurs, elle recommande d’encadrer les scènes d’intimité en imposant «des clauses détaillées au contrat» et la possibilité pour les comédiens d’avoir recours à un coordinateur dédié et formé, une profession encore balbutiante en France. Du côté des institutions, la commission étrille le fonctionnement de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, vivier réputé de jeunes chanteurs d’opéra dont le chef Gaël Darchen est visé par 5 plaintes pour agressions sexuelles. La commission indique également avoir saisi la justice au sujet du Théâtre du Soleil, après qu’une comédienne a affirmé en audition avoir été victime d’une tentative de viol en 2010, dans un climat de «pression sexuelle constante». Plus généralement et malgré les critiques d’avocats dénonçant des atteintes à la présomption d’innocence, la commission se félicite d’avoir «levé enfin le voile sur les insécurités et dérives» dans la culture, en faisant entendre des témoignages de victimes. L’actrice doublement césarisée Sara Forestier a ainsi raconté les metteurs en scène qui «voulaient coucher (avec elle) en (la) menaçant de (lui) retirer un rôle», tandis que Judith Godrèche a déploré le «silence» des personnes de pouvoir dans le cinéma. Grâce à ces travaux, «nul ne pourra dire qu’il ne savait pas, nul ne pourra refuser d’aller de l’avant et d’agir. Fermer les yeux revient à être complice», soulignent les députés de la commission. Interrogés, ni Erwan Balanant ni Sandrine Rousseau n’imaginent toutefois que leurs propositions puissent à elles seules mettre un terme aux «dysfonctionnements systémiques» du monde de la culture.
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