Yaïr Lapid, des plateaux de télé à la politique

Ancienne star de la télé israélienne aux airs de George Clooney, le centriste Yaïr Lapid a gagné en crédibilité depuis ses débuts en politique, pour s’imposer aujourd’hui comme le principal rival du Premier ministre Benjamin Netanyahu aux élections législatives du 23 mars.
Lorsqu’en 2012 ce journaliste vedette quitte les plateaux pour lancer son parti Yesh Atid («Il y a un futur»), ses détracteurs lui reprochent de jouer sur son look de beau gosse pour séduire la classe moyenne. Près de dix ans plus tard, Yaïr Lapid est toujours là. Mais sur les affiches de campagne de son rival Benjamin Netanyahu, il apparaît les traits tirés, sur un fond rouge sang. Juste en-dessous, le Premier ministre apparaît lui souriant et fringant, devant le drapeau israélien. Lors des dernières législatives, Yaïr Lapid avait fondu son parti dans la coalition centriste «Bleu-Blanc» de l’ancien général Benny Gantz.
Mais lorsqu’au printemps 2020, après trois scrutins n’ayant pas départagé MM. Netanyahu et Gantz, ce dernier s’est engagé dans un gouvernement d’union avec son rival, Yaïr Lapid a plié bagages. «Bleu-Blanc» s’est scindé, Yaïr Lapid a été précipité chef de l’opposition et la popularité de Benny Gantz a chuté. «J’ai dit (à Benny Gantz) «j’ai déjà travaillé avec Netanyahu (…) et il ne te laissera pas avoir les mains sur le volant»», racontait M. Lapid il y a quelques mois. «Gantz m’a dit «nous avons confiance en lui, il a changé». Et j’ai répondu «le gars a 71 ans, il ne va pas changer». Et malheureusement pour le pays, j’avais raison», ajoute M. Lapid, ministre des Finances pendant vingt mois (2013-2014) dans un gouvernement Netanyahu. Né en novembre 1963 à Tel-Aviv, métropole où il concentre ses appuis, Yaïr Lapid est le fils du défunt journaliste Tommy Lapid, ex-ministre de la Justice sous Ariel Sharon. Sa mère, Shoulamit, est l’une des maîtres du polar israélien, avec une série d’enquêtes mettant en scène une journaliste. Terrain ou fiction, le journalisme imprègne ainsi la jeunesse de Yaïr Lapid qui signe ses premiers textes pour le quotidien Maariv, décrochant ensuite une chronique au Yedioth Aharonot, titre le plus vendu du pays, ce qui va le faire connaître du grand public.
Parallèlement, l’homme à la mâchoire carrée poursuit ses activités de touche-à-tout insatiable: il boxe en amateur, s’adonne aux arts martiaux, écrit des romans policiers et des séries télé, compose et interprète des chansons et joue même au cinéma. Mais c’est à la télévision – il devient dans les années 2000 présentateur du talk-show le plus suivi de l’Etat hébreu – qu’il s’impose comme l’incarnation de l’Israélien moyen, posant invariablement à ses invités sa question fétiche: «Qu’est-ce qui est israélien à vos yeux?». Patriote, libéral, laïque, l’homme est fustigé dans les milieux juifs orthodoxes, des alliés clés de Benjamin Netanyahu, mais parvient à rassembler au centre. «Lapid est éloquent, charismatique (…) mais le Lapid qui avait le couteau entre les dents a changé», notait récemment le journaliste politique Yuval Karni dans le Yediot Aharonot. «Il s’abstient de toute auto-glorification (…) et est le plus «non-candidat» de tous les candidats au poste de Premier ministre», poursuit le chroniqueur, soulignant que les Israéliens «apprécient» l’humilité. Au cours des dernières semaines, sa popularité est allée croissante. Les derniers sondages créditent sa formation d’une vingtaine de sièges sur les 120 de la Knesset, en 2ème place derrière le Likoud (droite) de M. Netanyahu.