Charles Stross : vingt ans après «Accelerando», l’héritage du transhumanisme dans la Silicon Valley

Charles Stross : vingt ans après «Accelerando», l’héritage du transhumanisme dans la Silicon Valley

Transhumanisme, IA: vingt ans après la publication d’«Accelerando», l’écrivain britannique Charles Stross voit les thèmes de son ouvrage rejaillir chez les grands patrons de la Silicon Valley. Son livre, publié en 2005 et traduit en français dix ans plus tard, plongeait dans une histoire vertigineuse de transfert de conscience, de démantèlement du système solaire et d’IA se faisant passer pour un chat. Charles Stross, qui travaillait à l’époque comme programmeur dans une start-up, «essayai(t) essentiellement de contenir tout le bouleversement du futur avec lequel (il) vivai(t)… Au bord de la dépression nerveuse à cause d’une courbe de croissance exponentielle» de ses activités professionnelles, confie-t-il. «Accelerando» exploitait des idées comme le transhumanisme, la singularité technologique et le rationalisme, qui infusent dans la Silicon Valley depuis la fin des années 1980. Et qui, selon de nombreux observateurs, continuent d’animer des figures influentes comme Elon Musk ou le patron de l’entreprise d’analyse de données Palantir, Peter Thiel, maître d’oeuvre du rapprochement entre une partie de la Silicon Valley et Donald Trump. Le livre, qui a remporté un Locus Award, l’une des distinctions majeures de science-fiction, suit trois générations confrontées à la singularité – un moment où le progrès technologique accélère à un rythme tel que presque tout devient possible. Nombre de personnages et de chapitres font écho à des réflexions contemporaines. Un des protagonistes, l’inventeur anarchiste Manfred Macx, est confronté aux batailles sur le droit d’auteur numérique ou à la difficulté de se rappeler qui il est et où il se trouve, sans ses lunettes intelligentes. Sa fille Amber transfère, elle, sa conscience sur un ordinateur pour partir vers un autre système stellaire. Les scénarios développés par Stross sont au coeur de ce que la chercheuse en IA Timnit Gebru et l’historien des idées Emile Torres ont appelé «TESCREAL», un acronyme pour «Transhumanisme, Extropianisme (une variante du transhumanisme, NDLR), Singularitarisme, Cosmisme, Rationalisme, Altruisme Efficace et Longtermisme». Dans un article de 2024, ils ont décrit ce mouvement comme l’une des «idéologies qui animent la course pour tenter de construire une Intelligence Artificielle Générale» plus intelligente que les humains. «TESCREAL est ce que vous obtenez lorsqu’un groupe d’anciens chrétiens relativement brillants et intéressés par la technologie réinvente une religion,» commente Stross. Certains discours et projets des titans technologiques d’aujourd’hui résonnent avec cet ensemble de croyances qui envisage une évolution humaine au-delà de sa forme actuelle, l’immortalité et l’expansion à travers l’univers. Ainsi, Elon Musk, qui a parlé de rendre les humains «multi-planétaires», a fondé SpaceX en 2002, puis Neuralink, spécialisé dans les implants cérébraux, en 2016. Il a aussi été à l’origine en 2015 d’OpenAI, qui a créé ChatGPT. Quant au patron d’OpenAI, Sam Altman, il a écrit dans un billet de blog de 2017 sur le moment où les humains «fusionneraient» avec les machines, un processus qu’il croyait «avoir déjà commencé» et «qui arriverait probablement plus tôt que la plupart des gens ne le pensent». Deux décennies après «Accelerando», face au changement climatique ou aux patrons de la tech entretenant une forte proximité avec l’administration Trump, «la réalité qui nous entoure nous mène au désastre», estime Charles Stross. Cela crée chez les lecteurs un appétit pour «les trucs sympas qui permettent de s’échapper», ajoute celui qui se voit comme un «amuseur». Son écriture, qui a «toujours essayé de faire du divertissement en mêlant littérature d’évasion et grandes idées», revient elle vers la mouvance TESCREAL: l’auteur imagine un futur dans lequel ses promesses ne seraient pas réalisées.

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