Après les frais de taxi de l’ex-présidente de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) Agnès Saal, la justice ouvre un nouveau front: une enquête préliminaire pour «favoritisme» sur des contrats passés entre 2010 et 2014, essentiellement sous la présidence de son prédécesseur Mathieu Gallet. A l’origine de cette enquête, un signalement du ministère de la Culture, reçu mardi par le parquet de Créteil, sur «certaines dépenses» des «présidents successifs de l’INA» depuis 2010.
Parmi ces faits, selon un communiqué du parquet, une «série d’éléments concerne certains contrats passés entre 2010 et 2014 (…) susceptibles d’être irréguliers au regard des règles encadrant l’attribution des marchés publics». Le parquet ne cite aucun nom, ni présidence particulière. Mais celle de Mathieu Gallet semble bien en cause: c’est lui qui était à la tête de l’INA pendant la majeure partie de la période concernée, entre mai 2010, quand il a succédé à l’actuel PDG de l’AFP Emmanuel Hoog, et mai 2014, quand il a été remplacé par Agnès Saal. En outre, selon «Le Canard enchaîné» du 6 mai, un service de contrôle de Bercy a relevé des «irrégularités» dans des contrats de plusieurs centaines de milliers d’euros qu’il aurait passés sans mise en concurrence, une procédure pourtant obligatoire, avec des cabinets de conseil. L’hebdomadaire cite une note du 10 avril du Contrôle général économique et financier (CGEFI), un service du ministère de l’Économie qui contrôle la gestion de l’argent public. Parmi ces marchés, selon «Le Canard enchaîné», des contrats avec les sociétés OpinionWay et Balises, pour près de 250.000 euros au total. Or, Denis Pingaud, actuel conseiller en communication de Mathieu Gallet à Radio France, préside la société Balises. Et il était vice-président d’OpinionWay lors de la signature des contrats avec l’INA. Pour un autre contrat de 119.000 euros, passé en 2011, «il n’a (…) pas été trouvé trace d’une mise en concurrence par courrier ou mail», selon la note du contrôleur d’Etat. Le ministère de la Culture apporte par ailleurs au parquet des «pièces nouvelles» concernant des «frais de taxis indus» engagés par Agnès Saal à la tête de l’INA. Selon le parquet, ces éléments viendront «compléter» une enquête préliminaire pour «détournements de fonds publics aggravés», ouverte le 20 mai à la suite d’une note du commissaire aux comptes de l’INA.
Agnès Saal, 57 ans, a été poussée à la démission fin avril après avoir été épinglée pour avoir dépensé plus de 40.000 euros de taxis en dix mois, dont 6.700 euros par son fils qui disposait de son code de réservation auprès de la compagnie G7. Une enquête administrative est également en cours. L’intéressée a fait savoir, via ses avocats, qu’elle avait remboursé 15.940 euros de frais de déplacement, dont 6.700 euros de «dépenses imputables à son fils» et 5.840 euros de déplacements privés. Ses avocats font valoir que l’ensemble des frais de taxis «sont inférieurs au montant des moyens qui (lui) étaient proposés», à savoir un 2nd chauffeur, dont «le coût annuel (…) aurait été de 62.000 euros». Mais d’autres éléments, encore apportés par le ministère, la mettent un peu plus en difficulté: ils révèlent, selon le parquet, «des présomptions d’usage non exclusivement professionnel de taxi», cette fois-ci lorsqu’elle était DG du Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou, entre 2007 et 2014. «Ce volet fera l’objet d’une transmission au parquet de Paris, compétent territorialement», annonce le parquet de Créteil.