Numéro 23 : le projet de vente suspendu à l’accord du CSA

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Le projet de vente de la chaîne Numéro 23 à NextRadioTV, très critiqué dans le milieu audiovisuel et politique, est suspendu à l’accord du CSA, qui examinera notamment les obligations de la chaîne en matière de diversité.De nombreux détracteurs – groupes audiovisuels, sociétés de droits d’auteur, politiques de tous bords – voient une «spéculation frauduleuse» dans la vente pour 88 millions de la chaîne, qui a obtenu sa fréquence gratuitement du CSA en 2012. Et demandent au gendarme audiovisuel d’intervenir. Vertement critiqué pour sa méthode de nomination de la prochaine présidente de France TV, le CSA hérite de nouveau d’un dossier épineux. Jouant la transparence, il a promis mercredi, pour se prononcer sur le dossier 23, qu’il auditionnerait d’autres chaînes, des fédérations d’auteurs et de producteurs ainsi que des associations oeuvrant pour la diversité dans l’audiovisuel. Pour l’institution, le cas est inédit: c’est la 1ère fois qu’est appliquée pour un rachat de chaîne la loi du 15 novembre 2013 sur l’indépendance de l’audiovisuel. Sur le principe, la revente est légale: la loi précise seulement qu’elle ne doit pas intervenir avant 2 ans après la création d’une chaîne et prévoit une taxe de 5%. Or le calendrier est respecté, puisque Numéro 23, créée par Pascal Houzelot, fondateur de la chaîne de divertissement gay Pink TV, a obtenu son agrément et démarré en 2012, avec un cahier des charges axé sur la promotion de la diversité. Depuis, la loi de 2013 prévoit que le CSA donne son agrément sur toute revente après une étude d’impact, économique mais pas seulement, qui n’existait pas jusqu’ici. Impossible donc de savoir si les précédents agréments du CSA à des rachats de chaîne peuvent servir de référence. Difficile également de dire si des critiques éditoriales justifieraient un blocage de la vente. Mercredi, le PDG de NextRadioTV, Alain Weill, a dit espérer un feu vert du CSA «avant l’été». «Je ne vois pas de raison juridique qui devrait créer des difficultés importantes, au regard des précédents», a-t-il souligné, rappelant que le CSA avait autorisé en 2009 le rachat des chaînes TMC et NT1 par TF1 et en 2012 celui de Direct8 et DirectStar par Canal+ (devenus D8 et D17). 

En attendant, la polémique ne s’éteint pas. Côté médias, les 3 grands groupes audiovisuels privés sont tous montés au créneau. «Il nous semble que la seule décision que doit prendre le CSA est la reprise de cette fréquence» et «le CSA pourra refaire ou non un appel à candidatures», ont déclaré mi-avril le patron de M6, Nicolas de Tavernost, et ses homologues de TF1, Nonce Paolini, et de Canal+, Bertrand Méheut. «Les critiques les plus violentes viennent de groupes historiques qui ont eux-mêmes racheté des chaînes. Ils ne veulent pas de nouveaux acteurs», réplique Alain Weill, dont le groupe NextRadioTV (BFMTV, RMC Découverte…), indépendant, est né il y a 15 ans. Côté politique, plusieurs personnalités crient au «scandale», du député Eric Woerth (UMP) au sénateur David Assouline (PS). Conséquence directe de l’affaire: un amendement à la loi Macron, voté au Sénat et qu’examinera l’Assemblée prochainement, prévoit de porter la taxe sur les reventes de chaînes de la TNT à 20%. Sur le plan des contenus, Ibrahim Sorel Keita, président de la petite chaîne Banlieue Diversité Média, par ailleurs président du conseil national de SOS Racisme, critique comme d’autres Numéro 23 pour sa «prétendue télédiversité» «qui ne s’est limitée qu’à la présence de quelques animateurs alibis» et s’est dit décidé à saisir la justice. En réponse à ces attaques, une cinquantaine d’«acteurs de la diversité», issus du monde politique, associatif, et médiatique, dont la réalisatrice et ex-ministre Yamina Benguigui, ont tenu à défendre le bilan éditorial de Numéro 23, dans une récente tribune dans «Libération».