Ambiance très tendue chez Europe 1 pour son 5ème jour de grève

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Ambiance très tendue chez Europe 1 où la grève se poursuit mardi pour un cinquième jour consécutif sur fond de rapprochement avec CNews, la chaîne d’info du groupe Canal+, dont la ligne éditoriale fait effet de repoussoir pour les grévistes. A l’issue d’une assemblée générale dans la matinée, près d’une centaine de salariés ont voté la poursuite du mouvement jusqu’à mercredi 13H00 (90 votes favorables sur 95), ont précisé des salariés présents à la réunion. Mais le ton est monté d’un cran avec la validation d’une «motion de défiance à l’encontre de Donat Vidal Revel», directeur de l’information, par plus de 90% des votants. Elle sanctionne le «mensonge sur le projet éditorial», sur le fait que Louis de Raguenel – transfuge du magazine de droite Valeurs actuelles dont l’arrivée à la rentrée 2020 avait suscité un tollé – «ne deviendrait pas chef de service» politique et qu’«il n’y aurait pas de diffusion commune avec CNews», détaille un gréviste. A l’antenne, la grève s’est ressentie mardi matin par à-coups: matinale assurée comme la veille par Pierre de Vilno au lieu du matinalier attitré Matthieu Belliard, en grève, chronique satirique de Nicolas Canteloup acide sur le «remaniement» en cours de la station et émission médias de Philippe Vandel en version «très réduite». Le mouvement, initié vendredi pour protester contre la mise à pied d’un journaliste, souhaite également la mise en place d’une clause de conscience, dispositif permettant aux journalistes de quitter leur titre avec des indemnités en cas de changement de ligne éditoriale. L’inquiétude est montée crescendo depuis l’annonce mi-mai du renforcement des liens avec CNews, avec qui la radio partage le même actionnaire principal, le milliardaire Vincent Bolloré, qui contrôle Vivendi et sa filiale Canal+. En mêlant sa ligne éditoriale à celle de CNews qui témoigne d’«un activisme politique fortement ancré à droite, voire parfois à l’extrême droite», Europe 1 «va perdre (…) son capital de crédibilité auprès des auditeurs», estimaient la société des rédacteurs d’Europe 1 et l’intersyndicale dans une tribune publiée la semaine dernière. «Je ne comprends pas leur inquiétude. Leur agitation est curieuse et injuste», a répondu Arnaud Lagardère, patron du groupe éponyme, propriétaire de la radio, dans une interview au «Figaro» publiée lundi. «Dire qu’Europe 1 passe sous la coupe de Vivendi, c’est un fantasme qui frôle le complotisme. Vincent Bolloré est un atout, pas une menace», estime pour sa part le dirigeant, qui à la fin du mois, avec la transformation juridique de son groupe, perdra son pouvoir absolu au profit de son premier actionnaire, M. Bolloré. Ces déclarations ont fait voir rouge à de nombreux salariés de la station. «Pour beaucoup c’est une nouvelle provocation, ça a incité des non-grévistes à faire grève aujourd’hui», rapporte un journaliste. D’autant que les grévistes, qui réclamaient la veille «une rencontre avec Constance Benqué (présidente d’Europe 1 et Lagardère News) le plus vite possible», ont découvert lundi par voix de presse les premiers changements de grille des programmes. Arnaud Lagardère a ainsi annoncé l’arrivée à la rentrée de plusieurs figures de Cnews sur la station telle que Laurence Ferrari, aux commandes d’un programme de trois heures qui sera diffusé partiellement sur la chaîne d’info. Ou encore celle de Dimitri Pavlenko, co-équipier d’Eric Zemmour dans l’émission «Face à l’info», pour piloter la matinale équivalent du 20 heures à la radio. «On ne voit rien, on ne sait rien, on ne fait que constater le résultat», déplore une journaliste. «On a l’impression que de toute façon le train est en marche. Et c’est inéluctable, les gens en sont bien conscients. Il faut simplement avoir la transparence de dire les choses», conclut-elle.