Au festival de Biarritz, des acteurs du monde culturel argentin expriment leur malaise

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Dans un pays «où la population souffre de la faim», défendre le cinéma ou la littérature ne va pas de soi: au festival Biarritz Amérique latine, des acteurs du monde culturel argentin expriment leur malaise à l’heure du «miléisme». Le président ultra-libéral d’extrême droite Javier Milei, élu en novembre dernier, avait promis d’attaquer la dépense publique à la «tronçonneuse» pour parvenir à un «déficit (budgétaire) zéro» et dompter une inflation pathologique (288% en inter-annuel). Le culture fait les frais de cette politique: coupes sèches dans le budget de l’Incaa, l’équivalent du Centre national du cinéma français, ou dans les universités publiques, suppression des subventions au théâtre et à l’édition… au point de provoquer une «fuite des cerveaux». «On voit les intellectuels, les créateurs, les artistes, les universitaires partir ou chercher à s’en aller», affirme Denis Merklen, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL). Mais dans un pays où 65% de la population vit désormais en-dessous du seuil de pauvreté, et dont 20% des habitants n’arrivent plus à manger à leur faim, «pour l’immense majorité des gens, ces artistes sont des privilégiés qui vivent sur les deniers de l’État», ajoute-t-il. Et face à une misère accrue ces derniers mois, difficile de faire de la défense de la culture une priorité, soulignent des participants au festival consacré au cinéma latino-américain, organisé jusqu’à samedi avec un focus sur l’Argentine. «Avec quasiment 70% d’enfants pauvres, il ne me paraît pas fondamental qu’un cinéaste puisse faire son film ou que je puisse publier un livre», dit Camila Sosa Villada, autrice argentine transgenre invitée à Biarritz, dont le dernier livre («Histoire d’une domestication») est paru en août. Quant à l’avenir, «je suis très mal à l’aise avec l’idée qu’il faudrait défendre la possibilité de faire des films en Argentine, en ce moment il faut surtout défendre la possibilité pour certains de manger», abonde l’auteur, scénariste et cinéaste Santiago Amigorena, membre du jury du festival, dans un entretien en français. «Il n’y a quasiment plus rien qui se fait avec l’argent de l’État, alors bien sûr je suis inquiet pour la production, je signe des pétitions, mais ce qui me désole le plus, c’est ce gouvernement qui fait du mal aux pauvres, comme dans tous les pays où la droite et l’extrême droite sont au pouvoir ou aux portes du pouvoir», insiste Santiago Amigorena. Camila Sosa Villada, elle, ne voit pas «de climat politique idéal pour la culture». «Je ne veux pas dire que ça m’est égal que mes amis ne puissent pas jouer, tourner, publier mais pour faire tout ça, il faut sortir et tout casser, il n’y a pas d’autre solution à cette situation», lance-t-elle. L’arrivée de Javier Milei au pouvoir est une «défaite politique telle» que le monde de la culture se trouve «dans une grande angoisse et une grande peur», constate Denis Merklen. Et isolé, résultat d’un fossé creusé «entre les élites intellectuelles et l’immense majorité de la population», estime ce sociologue qui pointe là une «faiblesse» du monde de la culture.