Avec «Yalda, la nuit du pardon», le cinéaste iranien Massoud Bakhshi recrée une émission de télé entre archaïsme et modernité

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Le pardon ou la potence : dans «Yalda, la nuit du pardon», en salles mercredi, le cinéaste iranien Massoud Bakhshi recrée une émission de télé entre archaïsme et modernité, dans laquelle une jeune condamnée à mort joue sa grâce, en direct.

L’émission dont Massoud Bakhshi filme les coulisses et le plateau dans un huis-clos de 01h29 ressemble à beaucoup d’autres: animateur en costume impeccable, invités qui déballent leur vie privée, coupures pubs et intermèdes musicaux. A un détail près : le destin de Maryam (Sadaf Asgari), une Iranienne de 22 ans qui a tué accidentellement son mari de 65 ans s’y décide.

Face à elle, la fille de la victime (Behnaz Jafari) doit décider en fin d’émission si elle lui accorde le pardon, en échange d’une somme d’argent, «le prix du sang», ou si la peine de mort doit être exécutée.

Les téléspectateurs sont également invités à voter, par SMS, pour ou contre le pardon. Mais le show, très cadré, va dérailler lorsque les secrets des protagonistes refont surface. Ce programme, baptisé «le plaisir du pardon», est une «émission imaginaire et réaliste», a expliqué le réalisateur de 48 ans, qui travaille en Iran et s’est inspiré d’émissions mettant en scène des victimes ou des condamnés. Il a choisi de «dramatiser», en poussant la logique à l’extrême. «C’était important pour moi de faire un film sur le pardon, qui est un sujet universel et important», poursuit-il, en français. Son film, Grand prix du Jury à Sundance, met également scène les contradictions d’une société iranienne «entre tradition et modernité», comme lorsqu’un procureur vient discuter en direct de l’opportunité d’appliquer la loi antique du Talion, «oeil pour oeil, dent pour dent», entre une coupure pub et une pluie de flocons artificiels sur le plateau.

L’émission elle-même est orchestrée par un producteur tout-puissant, interprété par l’acteur Babak Karimi, vu chez Asghar Farhadi, dans «Une séparation» notamment. Son personnage est «très ambigu» de l’aveu du réalisateur : on ne sait jamais s’il cherche à maximiser son audience, appliquer une justice divine, ou sauver la mise de la condamnée à mort. Le film, second long-métrage de Massoud Bakhshi après «Une famille respectable» en 2012, qui lui avait valu plaintes et menaces dans son pays, a pu être produit malgré les sanctions internationales et le Covid, et est sorti en Iran. Où certains spectateurs «sont tellement habitués à ce type d’émissions qu’ils n’ont pas vu le côté critique du film», note le réalisateur.