BFMTV : les «services associés», nouvel axe de bataille pour tenter de monétiser les contenus

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Après avoir renoncé à faire payer Orange et Free pour la diffusion en direct de BFMTV, Altice va devoir négocier âprement pour vendre aux opérateurs de télécoms les «services associés» de ses chaînes, qui constituent un nouvel axe de bataille pour tenter de monétiser ses contenus. Mardi soir, Free et Altice sont parvenus à un accord pour mettre fin à leur bras de fer, sur les mêmes bases que celui trouvé la semaine dernière entre Orange et la maison-mère de BFMTV: il permet de rétablir la diffusion en temps réel (ou linéaire) de la chaîne d’info, ainsi que de RMC Découverte et RMC Story, sur les Freebox, sans que leur propriétaire Altice soit rémunéré. En revanche, les services à valeur ajoutée liés aux 3 chaînes, comme la mise à disposition de contenus supplémentaires et le rattrapage (ou replay), ne sont pas inclus dans cet accord, même si Altice espère réussir à signer des contrats à leur sujet. C’est la conséquence du repli stratégique opéré la semaine dernière par le groupe de Patrick Drahi. Alain Weill, le PDG d’Altice France, avait annoncé avoir renoncé à faire payer aux opérateurs la retransmission des chaînes en direct, et n’exiger désormais une rémunération qu’en cas de fourniture de «services associés». Ces services sont devenus une arme des groupes de tv pour monétiser leurs contenus. TF1 a été pionnier dans ce domaine, en développant l’offre la plus riche, baptisée «TF1 Premium», qui donne notamment accès à des programmes en ultra-haute définition (4K), des épisodes en avant-première, un replay étendu jusqu’à 30 jours, et d’autres fonctionnalités bien pratiques pour le téléspectateurs, comme le «retour au début». Le groupe TF1, à l’issue d’un bras de fer, est parvenu à conclure des accords de distribution basés sur la vente de tels «services innovants» avec les 4 grands opérateurs de télécoms ainsi que Canal+. Sans être encore un Eldorado (TF1 espérait en 2017 récolter 100 millions d’euros par an), cette stratégie commence à payer : le PDG d’Orange Stéphane Richard avait évoqué l’an dernier une facture à plus de 10 millions d’euros. M6 a également développé une stratégie similaire. Dans le cas d’Altice, la situation est plus compliquée. Free et Orange ont argumenté que les contenus proposés seraient pour le moment insuffisants, et notamment qu’une chaîne d’info comme BFMTV aurait un bien moindre intérêt en replay que TF1 ou M6, aux émissions et fictions très populaires. «TF1 et M6 ont obtenu d’être rémunérés pour la reprise de leurs services associés car leur valeur pour nos abonnés est établie», alors que ceux d’Altice «n’ont pas (encore?) su trouver leur public», avait ainsi plaidé Xavier Niel, fin août dans «Les Echos». Une critique à laquelle le patron d’Altice France avait répondu la semaine dernière. «Aujourd’hui, on est convaincu que ces services associés sont indispensables [pour les téléspectateurs], (…)», avait-il affirmé. Altice a lancé cet été une refonte de ses services de replay, qui incluent désormais une nouvelle interface «immersive» plus attirante, et intégreront prochainement des fonctionnalités comme le rattrapage étendu, la reprise de lecture, la lecture automatique des épisodes d’une série, et plus de contenus exclusifs. Quant à BFMTV, elle développe les reportages en format long, enquêtes, et autres documentaires, qui se prêtent bien à une consommation en replay. A titre d’exemple, après «Elizabeth II, les secrets d’un empire» cet été, la chaîne diffusera lundi une autre enquête au long cours, «Brigitte Macron, l’influente». «Il y a un vrai changement de modèle économique, ce n’est jamais facile de changer de modèle mais c’est indispensable pour les chaînes de télévision qui sont bousculées dans leur modèle traditionnel de la publicité, déstabilisé de plus en plus par les GAFA et des nouvelles plateformes» de vidéo, fait valoir M. Weill.