C. SOURD (Mediapart) : «Nos investissements ont été rentables et porteurs»

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Comme chaque année à la date anniversaire de sa création, Mediapart rend publics tous ses chiffres. L’année 2021 montre le caractère structurellement rentable d’un journal ne vivant que du soutien de ses lecteurs. Entretien avec Cécile SOURD, Directrice administrative et financière de Mediapart.

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Êtes-vous parvenue à sanctuariser votre indépendance ?

Cécile SOURD

Notre indépendance est sanctuarisée depuis 2019 avec la transmission capitalistique au fonds de dotation du FPL (Fonds pour une presse libre). On se rend compte aussi que notre indépendance est rentable. En 2021, nos chiffres sont très bons alors que c’était une année un peu morose en termes d’actualité avec une lassitude des lecteurs à propos de l’information générale. Malgré cette morosité, nous avons une base de lectorat fidèle avec 213.533 abonnements (individuels et collectifs). De nouvelles personnes s’abonnent chaque année à Mediapart. Nous enregistrons un chiffre d’affaires annuel (21,3M€) et un résultat net (4M€) qui sont une nouvelle fois exceptionnels et qui nous confirment que les choix d’indépendance que nous avons faits depuis le début de notre création en 2008 sont les bons.

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Quel est le profil type de votre lectorat ?

Cécile SOURD

Dans la grande majorité, nous ignorons un peu tout d’eux. Nous ne collectons pas de données personnelles sur nos abonnés. Pour s’inscrire à Mediapart, il suffit d’une adresse mail. Il est possible aussi de laisser d’autres informations mais ce n’est absolument pas obligatoire. En revanche, nous observons ceux qui participent dans le cadre du Club de Mediapart. En les rencontrant sur le terrain, dans des salles de cinéma pour animer des débats à l’occasion de la sortie de notre documentaire «Media Crash», et on se rend compte qu’il y a beaucoup de jeunes, beaucoup plus que ce que nous imaginions. Cela nous réjouit. C’est un écho aux thématiques que l’on porte. Mediapart apporte des réponses et des analyses que le jeune public semble chercher.

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Mediapart est rentable sur un modèle d’abonnements payant et indépendant…

Cécile SOURD

Oui, nous avons une marque qui se distingue beaucoup du reste de la profession. Nous ne sommes pas seuls puisque nous faisons partie du Spiil, le Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne, qui porte les mêmes valeurs d’indépendance, et que l’on a cofondé il y plusieurs années. Néanmoins, nous sommes très différents par rapport à d’autres titres de presse d’information générale qui sont aux mains de quelques milliardaires, qui discutent avec des plateformes, qui mettent en place de nouveaux services, des tarifs d’abonnements groupés grâce à Google notamment. Mediapart continue de se démarquer dans un sillon tout-à-fait parallèle et éloigné. Cela nous renforce d’autant plus dans nos valeurs originelles et nos certitudes. Nous avons besoin d’avoir une presse indépendante pour qu’elle soit libre et pluraliste ; et qu’elle continue à porter des sujets, y compris ceux qui dérangent.

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Votre politique d’investissement entre 2017 et 2022 a porté ses fruits. Et la suite ?

Cécile SOURD

Nous avons fortement investi dès lors que nous avons eu de bons résultats. Nous avions à cœur de réinvestir chaque année à la fois dans des développements techniques, de nouveaux projets mais aussi dans les ressources humaines, en renforçant l’équipe. L’année 2021 marque une stabilisation et prouve la rentabilité de notre formule. Les investissements ont été rentables et porteurs. On attire de nouveaux lecteurs et lectrices en leur proposant de nouveaux produits: application mobile et site internet notamment. On continue de leur servir des contenus dont ils semblent friands. Enfin, nous innovons en expérimentant de nouveaux formats (BD, jeu vidéo, documentaire) pour mettre en valeur notre information de manière différente, de façon à attirer un public plus divers. Nos investissements vont se poursuivre. En ressource humaine, nous allons stabiliser l’équipe (131 salariés aujourd’hui) car il est important de rester un journal à taille humaine. En revanche, sur les développements techniques, les expérimentations et les nouveaux projets, nous allons continuer à faire des paris.