Carole BIENAIME BESSE (CSA) : « Une exposition aux écrans trop précoce entraîne un risque d’obésité »

1590

Carole BIENAIMÉ BESSE , Membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel et présidente des groupes de travail « Protection du Jeune Public » et « Télévisions Payantes ».

Jeudi 18 octobre 2018, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a fait un point sur les 10 ans de sa campagne «- de 3 ans». L’occasion pour média+ de rencontrer, Carole BIENAIMÉ BESSE, présidente du groupe de travail «Protection de la jeunesse».

MEDIA +

Le CSA met en garde les parents sur les risques qu’encourent les enfants de moins de 3 ans face à l’écran. Quels sont ces risques ?

CAROLE BIENAIMÉ BESSE

En 2008, lorsque nous avons pris la décision de recommander que les enfants de moins de trois ans ne soient pas exposés à la télévision, et par extension aux écrans, nous nous sommes appuyés sur un avis de la Direction Générale de la Santé. Cet avis a été renforcé depuis par des études dont celles de l’Académie Américaine de Pédiatrie. Selon ces études, une exposition aux écrans trop précoce entraîne un risque d’obésité. Cette exposition a aussi pour conséquence des troubles du sommeil, du fait de la lumière bleue émise par les smartphones et tablettes qui affecte la synthèse de mélatonine. Les chercheurs et spécialistes de l’enfance ont également pu constater que les enfants exposés trop tôt aux écrans développaient des retards de langage, des troubles du comportement, de l’attention et de la concentration, s’ajoutant à cela une altération du développement moteur et mental. Les tout-petits demeurent passifs devant un écran alors qu’ils ont besoin pour développer leurs cinq sens d’interagir avec le monde, en communiquant avec leurs parents, éducateurs, frères et sœurs, en jouant, en touchant …

MEDIA +

Comment va se traduire la campagne ?

CAROLE BIENAIMÉ BESSE

Comme chaque année, des petits films et spots ont été diffusés sur toutes les antennes de télévision et de radio pendant trois jours. C’était le week-end dernier, du 19 au 21 octobre 2018. Pour aller plus loin, nous avons créé une page dédiée sur notre site internet. Cette année, nous avons également souhaité réaliser un dépliant d’information à destination des parents et des enseignants, «utiliser les écrans ça s’apprend», dont nous avons prévu qu’il soit diffusé largement dans les lieux d’accueil de la petite enfance: crèches, pédiatres, PMI, etc. Cette diffusion sera facilitée par le ministère de la Santé qui depuis toujours est à nos côtés sur ce sujet.

MEDIA +

Les chaînes jouent-elles le jeu et y-a-t-il une obligation de participation ?

CAROLE BIENAIMÉ BESSE

La participation des chaînes à cette campagne d’intérêt général est inscrite dans la loi. Elles sont donc pleinement partenaires. Sachant qu’elles ont bien conscience de l’importance d’une telle campagne, elles jouent donc le jeu en étant pleinement investies à nos côtés pour une diffusion la plus large possible de ce message. En effet les diffuseurs mettent à disposition des espaces publicitaires pour la diffusion des spots dont elles assurent elles-mêmes la conception et la réalisation. Ils font également réaliser des reportages ou des sujets plateaux sur ce thème dans le cadre de leurs programmes.

MEDIA +

Le CSA envisage-t-il d’étendre la campagne de protection des jeunes enfants aux écrans mobiles (téléphone, tablettes,…) pour réguler les contenus audiovisuels diffusés par internet?

CAROLE BIENAIMÉ BESSE

En 2008, nous ne communiquions que sur une interdiction de la télévision et il est vrai que le CSA, s’appuyant sur la loi de 1986, ne régule pas les contenus sur internet. Mais depuis, les usages audiovisuels ayant radicalement changé nous avons pris l’initiative d’élargir aux écrans. Cette question est au cœur des réflexions en cours dans le cadre de la refonte de cette loi pour une régulation audiovisuelle adaptée à l’ère numérique; mais aussi des débats européens en vue de l’adoption de la directive SMA (directive des Services de Médias Audiovisuels).

MEDIA +

Le CSA est-il plus attentif aux chaînes destinées aux enfants ?

CAROLE BIENAIMÉ BESSE

Notre vigilance porte sur l’ensemble des chaînes. S’agissant des services de télévision pour enfants, ils ont conscience que si ils perdent la confiance des parents des enfants qui les regardent et que le contrat moral qui les lient est rompu, ils auront beaucoup à perdre. C’est pourquoi les chaînes redoublent elles-mêmes de vigilance.

MEDIA +

 Quels sont les retours des précédentes campagnes ? Qu’espérez-vous cette année ?

CAROLE BIENAIMÉ BESSE

Les précédentes campagnes ont montré combien les parents sont désemparés face à l’usage des écrans notamment du fait d’une méconnaissance de ces outils que nous croyons maîtriser en les utilisant au quotidien. Il y a une demande de leur part d’être mieux aiguillés, mieux accompagnés. C’est la raison pour laquelle la création d’outils pédagogiques largement diffusés nous est apparue plus que nécessaire et que nous avons réalisé ce dépliant qui tente de donner des réponses à leurs questions. Cette année, nous avons bon espoir que le ministère de la Santé engage une étude de grande ampleur sur le sujet afin de mieux mesurer l’impact de cette surexposition aux écrans. La présence de la ministre des Solidarités et de la Santé, madame Agnès Buzyn à notre conférence anniversaire des 10 ans de notre campagne et ses déclarations attestent que les pouvoirs publics prennent ce problème très au sérieux.