CNews : «En quête d’esprit» pour «redonner une place à la spiritualité dans le PAF» (Aymeric Pourbaix)

Elle parle des anges, du diable et des saints et a choqué en présentant l’avortement comme la «1ère cause de mortalité»: l’émission catholique «En quête d’esprit» est l’un des programmes emblématiques de CNews, chaîne du milliardaire conservateur Vincent Bolloré. Fait rare, CNews a présenté ses excuses lundi après un tollé provoqué par l’émission de la veille. Son présentateur, Aymeric Pourbaix, avait mis en avant une infographie qualifiant l’IVG de «1ère cause de mortalité dans le monde», devant le cancer. En plein débat sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution, cette séquence a été dénoncée par de nombreux politiques de gauche et de la majorité présidentielle. L’Arcom a saisi un rapporteur indépendant en vue d’une possible sanction. «C’est une erreur inacceptable», a martelé jeudi le DG de CNews, Serge Nedjar, entendu par la commission d’enquête parlementaire sur l’attribution des fréquences télé. Selon lui, c’est une mauvaise version de l’émission enregistrée vendredi qui a été diffusée. Une enquête interne est en cours. Programmée le dimanche à 13h00, «En quête d’esprit» existe depuis mai 2020. Des invités y débattent pour «aborder l’actualité d’un point de vue spirituel et philosophique». En 2022, un numéro sur l’archange Saint-Michel s’était attiré des railleries sur les réseaux sociaux: il se penchait sur le «combat entre anges et démons» et l’influence des «forces du Mal». Depuis fin janvier, «En quête d’esprit» est codiffusée sur Europe 1, radio tombée sous le contrôle de Vivendi, groupe de M. Bolloré. Selon une enquête du journal «La Croix» en 2021 intitulée «Bolloré le catholique», le milliardaire lui-même a demandé la création de l’émission, pour «parler de Dieu» après la crise du Covid. «Le cahier des charges que j’ai reçu de Vincent Bolloré, c’est de redonner une place à la spiritualité dans le PAF», expliquait Aymeric Pourbaix à «La Croix». «C’est moi» qui ai décidé de créer ce programme, a assuré M. Nedjar devant les députés. «Cette émission est d’intérêt général puisque (…) nous sommes dans un pays de tradition catholique», a revendiqué Gérald-Brice Viret, numéro 2 de Canal+, maison-mère de CNews. «En quête d’esprit» est réalisé en partenariat avec l’hebdomadaire «France Catholique», dirigé par M. Pourbaix depuis son rachat par M. Bolloré en 2018. Ce journal a été créé en 1924 par la Fédération nationale catholique du général Edouard de Castelnau, pour «résister à une idéologie politique anticléricale», rappelle-t-il. Historiquement, «France Catholique» «s’inscrit dans le cadre des catholiques d’identité», par opposition aux «catholiques d’ouverture», explique Philippe Portier, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études. Sa ligne est, selon lui, marquée par «l’idée que la France connaît une perte profonde de repères et que le catholicisme, dans sa version traditionnelle, pourrait être la solution». Pour autant, «En quête d’esprit» «n’est pas une émission traditionaliste», déclare Yann Raison du Cleuziou, professeur de sciences politiques à l’université de Bordeaux. Selon lui, sa principale caractéristique est «la valorisation d’un catholicisme populaire», autrefois «dominant» mais «aujourd’hui sociologiquement marginal». Cette importance accordée aux «dévotions populaires» est «ce qui distingue l’émission des autres offres» audiovisuelles religieuses, «que ce soit le Jour du seigneur» sur France 2 «ou la messe de France Culture», analyse M. Raison du Cleuziou. «Nous avons honte de découvrir que, depuis plusieurs années, Canal+ finance une page de pub dans France Catholique», s’est insurgé jeudi le syndicat autonome de Canal+, +Libres, en pointant une «ligne éditoriale traditionaliste contraire aux valeurs (du) groupe».