Davantage diffusé, le sport féminin ne perce que timidement sur les écrans de télévision

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Davantage diffusé qu’avant, le sport féminin ne perce que timidement sur les écrans de télévision, mais ses promoteurs pensent qu’ils peuvent mettre en place «un cercle vertueux»: encourager la pratique, «casser les préjugés» et en faire aussi un spectacle qui se vend. «On avance, mais on a encore une belle marge de progression!», résume Nodjialem Myaro, présidente de la Ligue féminine de handball et championne du monde 2003. Cette semaine, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) poursuit l’opération «Sport féminin toujours», initiée en 2014 et destinée à accroitre la visibilité des sportives dans les médias. En quelques années, les retransmissions de sport féminin ont passé la barre des 10% (entre 14 et 18% en 2016). Mais, l’objectif de 20% affiché en 2020 est tombé à l’eau à cause du Covid. «C’est la théorie des petits pas, il y a une meilleure prise en compte des diffuseurs sur ce sujet», explique Carole Gomez, chercheuse en géopolitique du sport à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). «Des fédérations internationales et nationales se rendent compte que c’est un nouveau produit et ont une vraie approche marketing en se disant que le réservoir de consommateurs pour le sport masculin a peut-être atteint son plafond», décrypte-t-elle, avec «des médias et des sponsors qui cherchent à développer des marchés». Thierry Cheleman, actuel directeur des Sports de Canal +, avait fait le pari du foot féminin en 2009 sur D8, rappelle-t-il. Canal + a acheté en 2018 les droits de la division 1 féminine pour 5 ans. «Notre objectif est d’en faire un grand championnat», explique-t-il, mettant en valeur «l’accélération du jeu qui en fait un beau spectacle». Même s’il ne cache pas qu’il y a encore «beaucoup de travail à faire» en matière de sport féminin. Le succès de la Coupe du monde 2019 de foot féminin en France a déclenché des inscriptions sous la bénédiction de la Fédération française de football (FFF) qui mène une politique volontariste. Quelques années avant, le rugby féminin avait aussi engrangé de nouvelles recrues après la diffusion de la Coupe du monde, fait observer Carole Gomez. «Il faut arriver à déclencher ce cercle vertueux», explique-t-elle. «Le fait de voir du foot et du rugby féminin est assez récent», relève-t-elle, et permet de «casser un certain nombre de préjugés». Sans médiatisation, pas de modèles. Pas de possibilité de «rêver de faire pareil» pour les jeunes filles devant le but, le panier ou sur les tapis, comme l’explique la ministre des Sports, Roxana Maracineanu. «Moi, mes modèles, c’était Stéphane Stoecklin et Frédéric Volle!», handballeurs de l’équipe des Barjots, champions du monde en 1995, dont elle avait les posters, raconte Nodjialem Myaro. «Il faut sortir du cercle vicieux: il n’y a pas de public, donc c’est pas regardé, donc c’est pas diffusé, donc il y aura moins de public…», plaide-t-elle.
Malgré ses résultats, le hand féminin a connu des déboires en 2019 avec le retrait de la chaîne BeIN, l’Etat venant au secours du championnat, diffusé sur Sport en France, chaîne du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Actuel président de la Fédération française de basket (FFB), Jean-Pierre Siutat, se remémore la notoriété soudaine des basketteuses françaises après leur médaille d’argent aux JO de Londres en 2012. «Elles étaient reconnues quand elles s’arrêtaient dans les stations service!». Toutefois, ajoute-t-il, si c’est «en train d’évoluer dans la mentalité des partenaires, c’est encore très timide», ajoute-t-il, se faisant fort avec d’autres personnalités du monde du sport de travailler à «un standard pour un sport professionnel féminin à la française», avec derrière, la question du statut et de la rémunération des joueuses.