Diffusion de vidéos intimes de Griveaux: un scandale politique à la barre

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L’artiste russe Piotr Pavlenski et sa compagne Alexandra de Taddeo seront jugés en correctionnelle à Paris, soupçonnés d’avoir diffusé mi-février 2020 des vidéos à caractère sexuel qui avaient entraîné la chute du ténor de la majorité Benjamin Griveaux. Piotr Pavlenski, 38 ans, et Alexandra de Taddeo, 31 ans, comparaîtront pour «atteinte à l’intimité de la vie privée», selon une ordonnance signée lundi par 2 magistrats. Ils sont suspectés d’avoir enregistré puis diffusé sur Internet ces vidéos intimes, qui avaient provoqué un scandale politique. L’impact de leur diffusion avait aussi été «très difficile et très violent» pour sa vie professionnelle et familiale, avait déclaré Benjamin Griveaux, 44 ans, en janvier 2021 devant les magistrats instructeurs.Ancien secrétaire d’Etat, porte-parole du gouvernement et député, il avait retiré sa candidature à la mairie de Paris juste après la diffusion des vidéos, abandonnant ensuite peu à peu sa carrière politique pour se reconvertir dans l’entrepreneuriat. Connu pour s’être coupé un morceau d’oreille, cloué les testicules sur la Place Rouge à Moscou ou avoir incendié en 2017 la façade d’une succursale de la Banque de France à Paris, Piotr Pavlenski, réfugié politique en France depuis 2017, avait revendiqué sa démarche, présentée comme artistique et militante, sous le slogan «pornopolitique». Le montage de ces vidéos, adressées par M. Griveaux à Mme de Taddeo lors de leur brève relation, entre mai et août 2018, avait été publié brièvement une 1ère fois sur un blog le 1er février 2020, puis une 2de fois, avec un fort retentissement, le 12 février sur un site «pornopolitique» créé par M. Pavlenski. Dans la foulée de la diffusion des vidéos et de leur interpellation rocambolesque à Paris, le couple avait été mis en examen le 18 février 2020. Dans leur ordonnance, les juges relèvent qu’aussi bien Piotr Pavlenski qu’Alexandra de Taddeo ont «reconnu» avoir délibérément enregistré ces images, Mme de Taddeo expliquant les conserver comme «preuve» de sa relation avec l’ex-ministre. Les juges mettent, en revanche, en doute les affirmations d’Alexandra de Taddeo selon qui la diffusion des images «aurait été effectuée par son compagnon sans qu’elle soit d’accord, ni même sans qu’elle en ait été préalablement informée». Ils retiennent plutôt «son implication directe» au vu de «plusieurs éléments factuels» : le soutien financier d’une association qu’elle présidait au site pornopolitique, mais aussi des messages supposément écrits par elle ou attribués à ses proches au moment de l’éclatement du scandale. Suivant l’avis du ministère public, les magistrats instructeurs ont, en revanche, définitivement mis hors de cause Me Juan Branco, un des avocats de M. Pavlenski, bien qu’ils estiment qu’«il a vraisemblablement joué un rôle actif dans la diffusion des vidéos litigieuses». Placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté en 2021, «les investigations n’ont pas permis de déterminer précisément sa participation», concèdent les juges, déplorant que l’avocat se soit «réfugié derrière (son) statut» de conseil de M. Pavlenski «pour refuser de répondre aux questions». Ce procès n’est pas le seul que M. Pavlenski devra affronter: il sera par ailleurs jugé pour des «violences avec arme» commises lors du Réveillon 2020 à Paris dans une soirée privée dans le quartier huppé de Saint-Germain-des-Prés. Pour Piotr Pavlenski, cette décision «était absolument attendue pour moi car «Pornopolitique» est mon oeuvre d’art, et en tant qu’artiste, j’y ai apposé ma signature». «Et puisque le système de valeurs de l’art contemporain est en conflit avec le système de valeurs du code pénal, alors en signant mon oeuvre d’art, j’ai signé d’avance mon verdict», a-t-il ajouté.