Emmanuelle BOUILHAGUET, Directrice générale de Lagardère Entertainment Rights

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Lagardère Entertainment Rights, la filiale de distribution de Lagardère Entertainment est l’un des plus importants pôles européens de distribution audiovisuelle. Comment se prépare le MIPTV de Cannes ?

Emmanuelle BOUILHAGUET

Ça se prépare activement ! Aujourd’hui, le métier de distributeur est au cœur de tous les sujets. Historiquement, nous sommes des négociateurs. Nous possédons un programme que nous marketons puis vendons. A ce jour, nous sommes beaucoup plus dans la veille, dans le conseil et au cœur de la production. Nous intervenons très en amont au niveau du financement. Je vous parle bien évidemment des projets ayant un potentiel à l’international. Nous sommes consultés par les producteurs, nous discutons avec eux sur le script, le cast, le réalisateur… et en fonction des éléments mis en place, nous décidons d’intervenir avec un minimum garanti ou pas. Cela peut très significativement contribuer au plan de financement. Lagardère Entertainment Rights est un service très transversal. Nous essayons d’épauler les sociétés productrices du groupe ainsi que d’autres sociétés de production, notamment sur le documentaire. Avec un catalogue de près de 7.000 heures de contenus, nous couvrons tous les genres de programmes. Nous nous sommes ainsi par exemple beaucoup investis depuis 9 mois sur «Trepalium» (6X52’ – Kelija), série d’anticipation pour Arte. Nous avons aussi quelques enjeux sur des territoires clés pour la saison 2 de «Transporter». Même chose pour «Caïn» (DEMD Productions), la série de France 2 dont la 4ème saison est en développement.

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La vente de programmes courts, une tendance éprouvée?

Emmanuelle BOUILHAGUET

Quand j’ai commencé à m’investir dans la vente de programmes courts, ce n’était pas si évident. Le format de 6 ou 8’ n’existe pas vraiment à l’international, contrairement au 22’ à base de sketchs. Nous avons mis en place une expertise pour nous imposer sur le marché. Nous distribuons «Nos Chers Voisins» et «Pep’s», mais aussi «Bref», «Conasse», «Casting(s)» et «La minute vieille». La saison dernière, «Bref» a été vendu aux Etats-Unis dans sa version originale. Plus récemment, «Pep’s» a été acquis en Espagne et «Nos Chers Voisins» en Italie à la Rai Due.

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Comment le métier de distributeur évolue-t-il ?

Emmanuelle BOUILHAGUET

Notre travail s’articule de différentes façons. Il y a d’abord une présence continue auprès de nos acheteurs par le biais de marchés comme le MipTV ou par des déplacements individuels. J’ai une équipe commerciale de quatre personnes qui se déplacent 1 à 2 fois par an dans chaque pays majeur. Ensuite, il faut entretenir le rapport aux chaînes et la connaissance des marchés. Deuxième élément, le marketing. Même si nous avons des programmes de qualité, nous avons besoin de marketer nos marques. Nous le faisons par la publicité mais aussi par le renforcement de notre portail internet avec une «screening room» disponible pour l’ensemble de nos acheteurs qui peuvent à la fois visionner les programmes, récupérer des éléments additionnels, et contacter les personnes dédiées.

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Les prix d’achat sont-ils toujours aussi variés d’un pays à l’autre ?

Emmanuelle BOUILHAGUET

Oui, absolument! Une chaîne commerciale en Allemagne peut vous acheter une heure de fiction pour 150.000 ou 200.000€. En Serbie, nous vendons l’heure, 800€. La connaissance de nos marchés est donc essentielle.

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Quels sont les territoires étrangers les plus gourmands de programmes français ?

Emmanuelle BOUILHAGUET

Les pays de l’Est ont toujours beaucoup consommé la fiction française. En Italie, la chaîne Rete 4 a acheté pendant 15 ans l’ensemble de nos séries françaises, mais c’est un peu moins le cas depuis deux ans. Ce qui est très excitant, c’est l’émergence de nouveaux marchés. Le documentaire quant à lui s’est toujours bien vendu mais le secteur s’est resserré autour d’une production française de plus en plus axée sur des sujets franco-français. L’animation française enfin reste très puissante à l’international. Notre série «Sonic Boom» s’est pratiquement prévendue dans le monde entier. En revanche, le marché s’est durci et les prix de vente ont baissé depuis 5 ans de façon assez importante. Quelques pays comme l’Angleterre ont adopté des réglementations par rapport à la publicité sur les programmes jeunesse. Les cases se sont raréfiées et les besoins aussi. Il y a eu aussi un glissement des cases jeunesse des chaînes historiques généralistes vers des chaînes TNT thématiques disposant de budgets radicalement moindres.