En Italie, la chasse aux zones blanches est ouverte

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La dernière fois qu’un client a essayé de payer avec sa carte bancaire dans l’épicerie d’Anna Rita Pani à Colle di Tora, un village près de Rome, la situation a été un peu gênante. «Nous avons dû attendre un quart d’heure pour que le lecteur de carte fonctionne… pendant ce temps, nous sommes restés là, à nous regarder fixement», raconte-t-elle. Son lecteur de carte fonctionne avec le wifi, mais Colle di Tora est l’une des villes les moins bien connectées d’Italie, un pays en retard sur le plan numérique par rapport au reste de l’Union européenne. Combler ce fossé est une priorité pour le Premier ministre Mario Draghi, qui veut relancer l’économie italienne ravagée par le coronavirus grâce à des investissements financés par l’UE. M. Draghi présentait lundi au parlement son plan quinquennal de dépense des quelque 200 milliards d’euros sous forme de prêts et d’aides non remboursables provenant du Fonds européen de reconstruction. Pour l’Italie, le défi consiste en grande partie à connecter des lieux comme Colle di Tora, pas vraiment coupés du monde moderne, mais juste un peu en retard. Ce village médiéval situé à quelque 80 kilomètres au nord-est de Rome est une localité touristique nichée sur une crête surplombant un lac à proximité de cascades, de forêts et de réserves naturelles. «La situation ici est correcte, mais si vous devez envoyer un courriel un peu lourd, cela peut prendre quelques minutes au lieu de quelques secondes», témoigne le maire, Beniamino Pandolfi. Colle di Tora figure sur une liste de 200 communes où sera déployé le haut débit par fibre optique subventionné par l’État. La semaine dernière, des ouvriers ont posé des câbles sur l’une de ses places, assurant que l’internet à haut débit devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année. «Nous l’accueillerons à bras ouverts», se réjouit déjà le maire. A l’heure actuelle, le bureau de poste – sur lequel les 360 habitants du village comptent pour retirer des espèces en l’absence de banque – est parfois contraint de fermer ses portes parce que l’internet ne fonctionne pas. Le mauvais temps peut perturber le signal, ce qui est également un problème pour les téléphones portables et la télévision. Ces mauvaises connexions sont devenues un problème encore plus sérieux avec la pandémie, qui a obligé les gens à passer des mois chez eux. Simona Cardella, propriétaire d’un pressing, assure que sa fille adolescente avait du mal à suivre des cours en ligne quand les écoles étaient fermées. Parfois incapable de télécharger le programme ou de mettre en ligne ses devoirs, sa fille en était réduite «à suivre les cours via WhatsApp», a expliqué Mme Cardella. Le gouvernement souhaite que chaque Italien ait accès à l’internet à haut débit d’ici 2026, mais le chemin à parcourir est encore long. Près d’un quart des Italiens n’utilisent pas l’internet, et un tiers des ménages n’ont pas de connexion à domicile, selon les chiffres publiés le mois dernier par l’Institut national des statistiques (Istat). Dans le même temps, seuls 30% des ménages avaient accès au haut débit de dernière génération en 2019, un chiffre cependant en hausse de 6,1 points par rapport à l’année précédente. Dans le dernier indice (2020) de l’économie et de la société numériques (DESI) de la Commission européenne, l’Italie occupait la 25e place: seules la Bulgarie, la Grèce et la Roumanie faisaient pire. Le maire de Colle di Tora note que l’accès à la dernière génération du haut débit dans des zones isolées comme sa commune pourrait en faire des lieux attrayants pour le travail à distance. Pour les autres habitants, cela leur permettrait simplement d’entrer dans le XXIe siècle.