En s’offrant les chaînes TFX et 6ter, le groupe Altice veut peser face au futur géant français de la télévision TF1-M6

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En s’offrant les chaînes TFX et 6ter mises en vente par TF1 et M6 qui s’apprêtent à fusionner, le groupe Altice s’affirme en tant que premier challenger du futur géant français de la télévision et participe un peu plus à la concentration du paysage audiovisuel français. Les négociations exclusives annoncées lundi soir permettent d’abord à TF1 et M6 de se conformer à la réglementation française qui limite à 7 pour un même groupe le nombre de chaînes nationales sur la télévision numérique terrestre (TNT). Elles se poursuivront jusqu’à la réalisation effective de la fusion, attendue début 2023 sous réserve de l’approbation de l’autorité de la concurrence et du gendarme de l’audiovisuel (Arcom). L’annonce vient concrétiser la stratégie d’Altice, qui ne s’était pas opposé à la fusion de ses concurrents, ni n’avait fait acte de candidature pour la reprise de M6 auprès de Bertelsmann (RTL Group), mais avait manifesté sa volonté de «ne pas être le petit acteur du nouveau marché».De fait, le groupe de télécoms et de médias fondé par Patrick Drahi se renforce en ajoutant les deux canaux (qui totalisaient en février 3% de part d’audience) à son portefeuille composé de la chaîne d’info BFMTV, ses prochaines dix déclinaisons sur la TNT régionale et les chaînes thématique et généraliste RMC Découverte et RMC Story. Il deviendrait ainsi «le numéro 2 du marché publicitaire TV français», avec entre 12 et 15% du gâteau, devant France Télévisions et Canal+ (CNews, C8, CStar), relève mardi dans une note Jérôme Bodin, analyste du secteur des médias chez OddoBHF. «La structure de marché serait alors assez proche de celle constatée en Italie ou en Belgique et bientôt aux Pays-Bas», selon M. Bodin qui juge «probable que l’Autorité de la concurrence accepte ce schéma concurrentiel mais sur la base de concessions», comme une séparation des régies publicitaires ou des limites dans l’achat de programmes. Paradoxalement, alors qu’une mission sénatoriale doit rendre fin mars un rapport très attendu sur l’hyper-concentration des médias et ses effets sur l’information, l’opération vient renforcer les acteurs existants plutôt que d’ouvrir la porte à de nouveaux entrants. En revanche, les groupes NRJ Group (NRJ12 et Chérie 25) de Jean-Paul Baudecroux et Amaury (L’Equipe) se trouveraient marginalisés. Sur le plan financier, l’acquisition se fait selon les sources aux alentours de 130 à 150 millions d’euros pour les deux chaînes, une valorisation qui s’est effritée ces dernières années en raison de la concurrence des plateformes numériques sur l’audience et la publicité. Toutefois, «une raison pour Altice de faire le deal, c’est qu’il rachète des chaînes rentables» et part ainsi «d’une situation saine», explique l’expert des médias Philippe Bailly, président de NPA Conseil.
«La TNT s’adresse à un public mainstream qui n’a pas forcément envie d’investir dans les services payants. Elle reste le socle de l’offre audiovisuelle», ajoute-t-il. Selon leurs comptes sociaux, TFX et 6ter représentaient ensemble en 2020 116 millions d’euros de chiffre d’affaires cumulés et 18 millions d’euros de bénéfice net. Selon M. Bailly, Altice pourra de plus s’appuyer sur les conventions «souples» des deux chaînes avec l’Arcom pour «trouver des synergies et jouer des effets de groupe». 6ter occupe d’ailleurs le canal 22, opportunément situé à côté des deux chaînes RMC (canaux 23 et 24).