Entre droit et dérision, ou quand un juge facétieux moque la téléréalité

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Ce juge parisien est connu pour ses bons mots et la finesse de son analyse juridique. Mais à la veille de quitter la Chambre de la presse qu’il occupe depuis sept ans, Joël Boyer s’est permis quelques coups de griffe à la téléréalité, au gré d’une ordonnance éminemment ciselée. Dès la page de garde de cette ordonnance drôlatique datée du 1er juin, on ne peut réfréner un sourire: l’affaire, pourtant fort sérieuse, oppose Emilie Nef Naf, ancienne participante à l’émission de TF1 «Secret Story», au magazine people «Oops», assigné pour atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image.Et pour cause, dans son numéro du 25 mars, le bimensuel a cru bon de publier un article intitulé «Léo: c’est lui qui a vendu sa sextape avec Emilie!», illustré par la reproduction en petit format d’une double page du magazine «Entrevue» qui dévoilait des extraits d’une vidéo montrant les ébats sexuels entre les deux intéressés. Emilie Nef Naf réclamait 20.000 euros de dommages et intérêts pour cette malheureuse indiscrétion. Dans son ordonnance, le président Boyer, connu pour son extrême courtoisie et son infinie méticulosité, commence par planter le décor, à l’intention de ceux qui ne connaîtraient pas encore «Secret Story», qui fêtera cet été sur TF1 sa saison 5. Cela donne: «Emilie et Léo sont deux intrépides aventuriers de la médiatisation télévisée ayant illustré les meilleures heures du programme de téléréalité intitulé par anti-phrase «Secret Story» (Saison 3) où il n’y a ni secret ni histoire, mais cependant une observation des faits et gestes des jeunes gens qui y participent sous l’oeil des caméras, où le téléspectateur finit par s’attacher aux créatures qu’il contemple, comme l’entomologiste à l’insecte, l’émission ne cessant que lorsque l’ennui l’emporte, ce qui advient inéluctablement, comme une audience qui baisse».