Entretien avec… Laure Adler, journaliste et écrivain

    La semaine dernière Laure Adler était présente au Festival International du Film Documentaire Océanien (FIFO), nous en avons profité pour lui poser quelques questions sur sa vision du documentaire…

    média+ : Qu’est-ce donc, selon vous, qu’un mauvais documentaire ?

    Laure Adler : C’est le cliché de la représentation la plus banale de la réalité. C’est un documentaire qui passe à côté de l’émotion, de l’implication personnelle. C’est un film qui ne vous empoigne pas le cœur, sans sincérité, sans loyauté, sans bonne structure narrative. Et puis, surtout, c’est un documentaire qui parle trop, qui ne laisse pas la part belle à la suggestion.

    média+ : Et un documentaire moderne… ?

    Laure Adler : J’aime le mot moderne, mais dans le sens «modernité rageuse», travaillée par une esthétique qui s’éloigne du conventionnel, de l’hagiographique, du déjà vu dans les années 70. Aujourd’hui, il y a un retour au réel, qui s’apparente un peu à la fiction, souvent sous la forme de voyages initiatiques. J’aime cette modernité.

    média+ : Vous avez été en chargé des documentaires sur France 2, à l’époque de la Présidence d’Hervé Bourges, au début des années 90. Etes-vous fière de ce que vous avez accompli alors pour ce genre télévisuel ?

    Laure Adler : Je dois dire que j’ai eu la chance de pouvoir à la fois produire, coproduire et acheter des programmes. Pendant quatre ans et demi, j’ai cherché à travailler en profondeur en imposant des documents parfois en première partie de soirée, avec des audiences étonnantes. On arrivait même leader certains soirs ! Il ne faut pas venir m’expliquer que ce genre là est minoritaire, ne fait pas d’audience, est mal maîtrisé, impossible à financer car cela est parfaitement faux. Le fruit d’une démarche personnelle, artistique, morale est toujours à défendre. C’est un combat à mener.

    média+ : Quand vous voyez «Des mots de minuit» à 2 heures du matin, qu’espérez-vous pour le service public ?

    Laure Adler : D’abord, je me dis que c’est dommage et qu’à l’inverse de ce que pensent certains directeurs de programme, ça intéresse les gens. A l’époque où je présentais le Cercle de minuit, nous étions toujours au dessus de 500 000 téléspectateurs, jamais en dessous de 300 000, parce que nous étions encore programmés à une heure à peu près décente, même si c’était de la troisième partie de soirée. Mais l’avenir se trouve aussi et surtout sur les chaînes du câble et du satellite. France 5, France O, Histoire…

    média+ : Et d’une manière générale, comment jugez-vous la télévision française ?

    Laure Adler : Je ne suis pas du tout procureur et ne porte pas un jugement négatif , surtout quand je compare notre télé à celle d’Italie ou d’Espagne… J’aime beaucoup de gens qui font des émissions plutôt populaires, comme Isabelle Giordano, Daphné Roulier, Laurent Ruquier, Catherine Ceylac… Thierry Ardisson, même si je me suis beaucoup engueulée avec, a beaucoup de talent.

    média+ : Quelles ont été vos références à l’époque à laquelle vous avez débuté en télé, à l’âge de vingt-deux ans ?

    Laure Adler : Je parlerais plutôt de figures tutélaires comme Pivot, Desgraupes, Dumayet… Ce sont eux qui m’ont donné l’envie de travailler à la télévision.