Entretien avec … Patrick Cotting, expert en marketing sportif

    L’expert suisse en marketing sportif Patrick Cotting considère que les recettes records des droits (1,05 milliard d’euros) générées par l’Union européenne de football (UEFA) grâce à l’Euro-2008 ressemblent fortement à une «bulle spéculative», les télévisions en particulier ne rentrant pas dans leurs frais.

    média + : L’Euro-2008 vaut-il vraiment un milliard?

    Patrick Cotting : L’UEFA a fait de belles ventes, c’est certain, en particulier en Asie. Mais l’augmentation des tarifs ressemble à une bulle spéculative. L’Euro-1996 lui avait rapporté 50 millions d’euros contre 800 millions aujourd’hui. Mais il n’y a pas 16 fois plus de téléspectateurs ou bien la technique de retransmission n’est pas 16 fois meilleure. Si l’UEFA était cotée en bourse, je commencerais à vendre mes actions.

    média + : Quels sont les signaux alarmants?

    Patrick Cotting : Les télévisions perdent de l’argent avec le football par exemple. TF1 est un bon exemple. Elle n’a jamais pu couvrir ses achats de droits avec ses recettes publicitaires malgré des audiences records lors des matches de l’équipe de France. Son action a perdu la moitié de sa valeur depuis l’Euro-2004. Chez certains diffuseurs, la conquête de parts de marché compte plus que le retour sur investissement. Mais la pression des actionnaires pourrait s’accroître et faire évoluer cette stratégie.

    média + : Certains sponsors se plaignent aussi du manque de visibilité.

    Patrick Cotting : Ils sont trop nombreux. Il y en a 14 officiels plus les sponsors nationaux, alors que les consommateurs ne peuvent mémoriser que deux ou trois marques au maximum. Autre problème: le marketing parasitaire. Les partenaires officiels ont du mal à se démarquer d’entreprises qui axent leur communication sur les fans ou le football. Des termes que l’on ne peut pas protéger. Ces compagnies ne reversent pas un centime à l’UEFA.

    média + : Les tarifs pourraient-ils alors baisser dans le futur?

    Patrick Cotting : Les montants des licences sont trop élevés. L’Euro offre beaucoup de visibilité pendant l’évènement mais peu avant. Les sponsors doivent investir trois fois le montant des droits pour être remarqué effectivement par les consommateurs. Mais peu le font. Les sponsors vont sûrement demander des tarifs moins élevés ou plus de droits lors des prochaines négociations.

    média + : Même avec la croissance de la demande en Asie?

    Patrick Cotting : L’Europe est au maximum. L’UEFA ne peut faire progresser ses revenus qu’en Asie. La question est de savoir si la croissance des droits en Asie pourra compenser les pertes en Europe.