France 2 poursuivie par l’Azerbaïdjan pour diffamation

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L’Azerbaïdjan poursuit mardi, devant le tribunal correctionnel de Nanterre, France 2 et la journaliste Elise Lucet, qui avait qualifié ce pays de «dictature» dans un reportage de l’émission «Cash Investigation».

Dans cette émission diffusée le 7 septembre 2015, la présentatrice introduisait un reportage largement consacré à l’Azerbaïdjan en qualifiant ce pays du Caucase de «dictature, l’une des plus féroces au monde». Au cours du reportage, axé sur les coulisses des voyages présidentiels et intitulé «Mon président est en voyage d’affaires», le journaliste Laurent Richard taxait également le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev de «dictateur» et de «despote» qui gouvernerait son pays «à la façon d’un Corleone» (parrain de la mafia).

L’Etat du Caucase, régulièrement dénoncé par des ONG pour son non-respect des droits de l’Homme, avait porté plainte contre la chaîne et la présentatrice, entraînant la mise en examen (quasi automatique) de la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte-Cunci pour «diffamation envers particulier» et d’Elise Lucet pour «complicité». «Cash Investigation» est «à la recherche du sensationnel», tance Me Olivier Pardo, qui défend l’Azerbaïdjan.

«Ce n’est pas de l’information, mais de la dénonciation. Alors que les téléspectateurs sont en droit d’attendre d’une chaîne de service public une information qui ne soit pas partiale», estime l’avocat. Pour lui, cette «présentation sans nuance» de l’Azerbaïdjan n’est «absolument pas fidèle à la situation actuelle de cette jeune République», issue de l’éclatement du bloc communiste en 1991, qui «progresse néanmoins sur le plan des droits de l’Homme et de la démocratisation». Et de rappeler, entre autres, que ce pays a aboli la peine de mort, compte «près de 500 journaux» et a adopté le multipartisme. En réparation du préjudice, l’Azerbaïdjan demande un euro symbolique.

Les prévenues encourent une amende de 12.000 euros. Me Jean Castelain, avocat de la défense, a indiqué qu’il allait «soulever l’irrecevabilité de constitution de partie civile de l’Etat d’Azerbaïdjan», un Etat ne pouvant «pas être considéré comme un particulier» et donc agir en diffamation. Ce que réfute la partie adverse. Il est rarissime qu’un État poursuive un individu.

La cour d’appel de Versailles a confirmé en mai un non-lieu en faveur d’un député français poursuivi par l’Azerbaïdjan pour l’avoir qualifié d’«État terroriste» sur un site internet, au motif qu’un État étranger ne pouvait attaquer en diffamation. L’Etat du Caucase s’est pourvu en cassation dans cette affaire.

Pour les mêmes motifs, le tribunal correctionnel de Paris a jugé irrecevable deux actions en diffamation du Maroc contre le boxeur Zakaria Moumni, qui affirme avoir été torturé dans son pays. Le Maroc a fait appel.