Guillaume LEBLANC, Directeur général du SNEP, le Syndicat National de l’édition Phonographique
Le marché de la musique enregistrée a progressé de +3.9% en 2017, pour la deuxième année consécutive (+5.4% en 2016) et atteint 723 M€. Résultat des efforts déployés par les producteurs et toute une filière pour s’adapter à la nouvelle donne numérique. Tour d’horizon des enjeux à venir avec Guillaume LEBLANC, Délégué général du SNEP, le Syndicat National de l’édition Phonographique.
MEDIA +
La reprise du marché de la musique enregistrée se dessine. Est-t-elle pour autant fragile ?
GUILLAUME LEBLANC
Nous restons prudents en effet. Le marché de la musique enregistrée a progressé de +3.9% en 2017. Il s’agit d’une croissance moins forte qu’en 2016 (+5.4%). Le chiffre d’affaires physique et numérique commence tout juste à recréer la valeur perdue et n’atteint que 40% du marché de 2002 (1.43Mds€). En ce sens, nous attendons que la progression se confirme. Notre optimisme est mesuré. Néanmoins, cette deuxième année de croissance consécutive est un signal forcément très positif. Cela fait plus d’une décennie que nous n’avions pas connu cela. Les efforts payent. Notre industrie musicale qui a beaucoup souffert remonte progressivement la pente.
MEDIA +
Les nouveaux modèles économiques sont-ils matures ?
GUILLAUME LEBLANC
Pas totalement ! Le numérique progresse très fortement. C’est indéniable, tant sur le nombre d’abonnements que sur les volumes de consommation – avec un streaming qui a franchi les 42,5Mds de titres consommés en 2017 (soit 5 fois plus qu’en 2013). Cette croissance doit aujourd’hui se traduire par davantage de revenus, ce qui n’est pas totalement le cas.
MEDIA +
Le streaming, moteur de la croissance, poursuit sa progression. Quelle est sa dynamique ?
GUILLAUME LEBLANC
Les revenus du streaming musical ont augmenté de 23% en 2017 (+37% en 2016) à 243M€. Nous n’avons pas à rougir. Cela représente 42% des revenus du marché total. Même si la croissance est plus faible que l’année dernière, nous devons encore mieux faire. En ce sens, 2017 a été une année atypique. Beaucoup de Français se mettent au streaming. Si la progression du nombre d’abonnés se poursuit à un rythme un peu moins soutenu, + 500.000 en 1 an, soit 4.4 millions d’abonnés, elle est compensée par une part plus importante des souscripteurs payants, hors bundle avec un opérateur téléphonique.
MEDIA +
Quand le basculement du numérique sur le physique aura-t-il lieu en France ? En 2018 ?
GUILLAUME LEBLANC
On peut se risquer à prendre ce pari. Si on regarde l’évolution du streaming dans le chiffre d’affaires de la musique enregistrée, il y a fort à parier que nous serons à plus de 50% de numérique en 2018 mais restons prudents. Si vous regardez la baisse des ventes physiques, elle est structurelle depuis une dizaine d’années, mais un peu moins forte tout de même. Sur le premier semestre de l’année 2017, les revenus étaient majoritairement numériques (à plus de 50%) et le physique a réussi à inverser la vapeur en deuxième partie d’année.
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Sur la structure des ventes numériques, l’abonnement génère-t-il le plus de valeur ?
GUILLAUME LEBLANC
L’abonnement engendre à lui seul 83% des revenus du streaming et 35% des revenus du marché. En France comme ailleurs, c’est le relai de croissance du secteur. Il y a une différence énorme en termes de rémunération entre un consommateur qui fait l’effort d’écouter sa musique à 10€/mois et un autre qui consomme sa musique sur YouTube. Il y a deux ans, l’essentiel des abonnés avait leur service de musique via un opérateur. Mais aujourd’hui, la majorité des abonnés fait du «stand-alone», c’est-à-dire qu’ils font l’effort de payer auprès d’une plateforme. C’est un indicateur très positif.
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Autre spécificité française, le marché physique reste très important en France…
GUILLAUME LEBLANC
C’est exact ! Il représente 51% des revenus. C’est une opportunité pour l’industrie musicale de proposer à la fois des CD et des vinyles. 3.800 points de vente maillent le territoire français. Treize nouvelles enseignes Cultura ont été ouvertes en 2017 et douze franchises Fnac. Nous avons un marché beaucoup plus complexe à appréhender, à la fois pour les artistes et les producteurs. Deux modèles cohabitent, celui de l’usage avec le streaming qui monte en puissance et le modèle de l’achat en support physique.
MEDIA +
Quelles sont les priorités du SNEP? Pérenniser le crédit d’impôt à la production phonographique ?
GUILLAUME LEBLANC
Ce crédit d’impôt est un outil essentiel pour les producteurs et la filière musicale en termes de niveau de production, de diversité musicale, d’emplois et d’export. C’est la seule aide fiscale dont bénéficie le secteur. Pour 1€ d’impôt dépensé par l’Etat, il y a 3€ de recettes fiscales et sociales (Etude Xerfi/novembre 2017). C’est un mécanisme vertueux qui a permis non seulement d’amortir la crise mais aussi de relancer la production locale. Nous sommes bien résolus à démontrer toute l’utilité et l’importance de cet outil fiscal. Rien ne serait plus catastrophique que de saper un outil essentiel pour notre compétitive culturelle.
MEDIA +
La présence des artistes dans les médias traditionnels est-elle toujours en deçà de vos attentes ?
GUILLAUME LEBLANC
La situation est particulièrement alarmante à la télévision. Elle n’est pas tenable. Sur l’ensemble du paysage audiovisuel, il n’y a eu que 37 émissions de variétés où les artistes ont pu chanter leur répertoire. C’est un vrai problème, car la musique est devenue le parent pauvre du paysage audiovisuel, notamment sur l’audiovisuel public.