«Germinal» et «Illusions perdues»: les Français plébiscitent les adaptations pour le petit et le grand écran de ces 2 classiques de la littérature du XIXe siècle, qui résonnent avec la société d’aujourd’hui. Les 2 premiers épisodes de la série inspirée du roman d’Emile Zola diffusés sur France 2 le 27 octobre ont obtenu la meilleure audience de la soirée avec 4,412 millions de téléspectateurs, soit près de 20% des spectateurs devant leur écran ce soir-là. Et l’adaptation au cinéma du livre d’Honoré de Balzac a enregistré une belle performance pour sa première semaine de diffusion en salle: plus de 230.000 spectateurs, une place plus qu’honorable face aux blockbusters américains. Ecrites au XIXe siècle, ces deux oeuvres restent étonnamment modernes, soulignent les spécialistes de la littérature. A l’époque, la révolution industrielle bouleversait les équilibres en France. En ce début de XXIe siècle, c’est la vague du numérique qui fait voler en éclat les anciens modèles économiques et sociaux. «Dans «Germinal», ce sont les revendications de justice sociale qui peuvent être toujours d’actualité, dans un monde qui n’est certes plus celui du clivage entre le prolétariat et la bourgeoisie, mais où les mécanismes de domination sont toujours très présents», estime Andrea Del Lungo, professeur de littérature française du XIXe à Sorbonne Université. Comme le livre publié en 1885, la série télévisée rend hommage à ces prolétaires, mineurs, écrasés par le système capitaliste. Le scénariste, Julien Lilti, a raconté récemment sur France Inter avoir commencé à écrire le scénario en plein mouvement des «gilets jaunes», ce qui a «nourri (s)on écriture et le travail de mise en scène».Publié en 1837, «Illusions perdues» aborde également des thèmes contemporains à travers l’ascension de Lucien de Rubempré dans le monde de la presse: la tyrannie des influenceurs, le pouvoir de la finance, le poison de la rumeur. «Balzac avait tout compris. Que la société moderne serait une lutte acharnée et que tout serait économique, que l’argent serait le nouveau code. Il a décrit la matrice du monde moderne», a déclaré le réalisateur Xavier Giannoli.Si l’on inclut l’adaptation d’«Eugénie Grandet» de Balzac (sortie il y a quelques semaines au cinéma), on observe dans les trois cas «une réflexion sur la condition de la femme, désespérée au XIXe, qui résonne avec l’actualité», ajoute Andrea Del Lungo, en écho notamment au mouvement #MeToo. Les personnages emploient un langage très proche du nôtre, avec des réparties que l’on pourrait prononcer aujourd’hui. Ainsi, dans le deuxième épisode de Germinal, le directeur de la Compagnie des Mines de Montsou constate que «l’économie s’est mondialisée». «Certains pays n’hésitent pas à abaisser le coût de production en prenant la main-d’oeuvre comme variable d’ajustement», dit-il. «Illusions perdues» fait, lui, des clins d’oeil à l’actualité, telle cette prophétie «un jour, on aura un banquier au gouvernement», ou cette mention d’un canard (ou fausse nouvelle) «pas encore enchaîné». Zola et Balzac font partie des auteurs français les plus transposés au cinéma et à la télévision. Leurs livres appartiennent au patrimoine culturel français, ils ont été lus et étudiés par plusieurs générations de collégiens ou lycéens: les films peuvent donc compter sur une foule de curieux souhaitant découvrir l’adaptation. Pour ceux qui ont grandi avec les écrans d’ordinateur et de smartphone, la version filmée permet «de prendre en peu de temps connaissance de ces romans longs et difficiles», souligne la présidente de la Société des Amis de Balzac, Anne-Marie Baron. Une incitation à découvrir le texte littéraire, espère-t-elle. Et ces adaptations ont vocation à s’exporter. «Ces romanciers sont très étudiés, traduits et peut-être plus appréciés dans d’autres pays que chez nous», remarque Mme Baron. «Leur sujet est un pan de l’histoire de France, constate M. Del Lungo. Mais il y a des traits d’universalité qui les rendent parfaitement compréhensibles pour un public étranger».
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