Huawei/ «Plan B»: développer une alternative à Android, l’épineux défi

421

Avec la fin attendue des mises à jour d’Android sur ses smartphones, le géant chinois des télécoms Huawei pourrait être tenté de concrétiser son «plan B»: proposer son propre système d’exploitation, concurrent de ceux de Google et d’Apple, avec l’épineux défi de convaincre développeurs et usagers. Piégé par les rebondissements du conflit commercial sino-américain, Huawei, numéro deux mondial sur le marché des smartphones, cherche désormais la parade. Suite aux restrictions imposées par l’administration Trump, Google – dont le système Android équipe l’immense majorité des smartphones dans le monde, y compris ceux de Huawei – a annoncé dimanche qu’il allait devoir couper les ponts avec le géant chinois avant que Washington ne lui accorde finalement lundi un délai de trois mois. Sous pression, le mastodonte de Shenzhen (sud de la Chine) pourrait accélérer le développement de son propre système d’exploitation, sur lequel il planche déjà depuis 2012 selon des informations de presse. Une alternative potentiellement vitale: Android a certes précisé qu’il continuerait pour l’instant à effectuer les mises à jour concernant la sécurité, mais, à terme, faute de telles actualisations, les smartphones Huawei pourraient être victimes de failles sécuritaires et d’obsolescence, ne pouvant plus utiliser les dernières versions de populaires applications telles que Gmail ou Google Maps. Huawei avait déjà admis travailler sur un système d’exploitation alternatif: «Nous nous y préparons. Si nous ne devions plus utiliser ces systèmes (comme Android), il faudra que nous soyons bien armés», avait expliqué Richard Yu, DG de la branche grand public du groupe, dans un entretien en mars au journal allemand «Die Welt». «C’est notre plan B. Mais nous préférions bien entendu travailler de façon concertée avec les écosystèmes de Google et Microsoft», soulignait-il. Des propos prémonitoires: cette plateforme Huawei, actuellement développée sous forme bêta et baptisée «Hongmeng», «va désormais progressivement remplacer Android», a assuré lundi le journal officiel chinois «Global Times». Pour certains experts, c’était inéluctable: Huawei «savait bien qu’en tant que géant des télécoms, il devait en fin de compte contrôler les principales technologies», indique Wong Kam Fai, professeur de l’Université chinoise de Hong Kong. «Ils ont déjà leur système, mais ne sont pas prêts» pour le diffuser, observe-t-il. «Cela aurait été parfait s’ils avaient encore 3 ans devant eux, mais cela survient maintenant, et désormais ils doivent accélérer». Huawei s’est néanmoins toujours montré prudent sur le sujet – car développer un système d’exploitation avec l’écosystème entier qui l’accompagne, de façon à séduire usagers et développeurs, est éminemment complexe. Oure l’Android de Google, le seul autre système d’exploitation suffisamment répandu est l’iOS d’Apple, disponible exclusivement sur les iPhones. Microsoft avait tenté de lancer une version mobile de son célèbre Windows en 2010, mais n’avait réussi à la proposer que sur ses propres téléphones. Les Windows Phone n’avaient pas rencontré le succès et Microsoft a abandonné l’aventure en 2017, même si son système d’exploitation ne disparaîtra que fin 2019. De l’avis des experts, le défi n’est pas seulement technologique: il faut des années pour gagner la confiance des fabricants de smartphones et des développeurs d’applications, afin d’inciter ces derniers à adapter leurs programmes au nouveau système, de sorte à séduire in fine les usagers avec une offre variée. Concevoir un système d’exploitation «de façon efficace et avec succès, c’est exceptionnellement difficile», insiste Ryan Whalen, du Centre de droit et technologie de l’université de Hong Kong. «Regardez Nokia, BlackBerry et Microsoft: tous ont échoué dans leurs tentatives».