J. BAJON (l’IDATE DIgiWorld) : «Le projet d’auto-diffusion de la Premier League sur Internet créerait un précédent dans le secteur déjà en difficultés de la télévision payante»

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La Premier League travaille actuellement sur un projet de service vidéo à la demande. Le projet intitulé Over the top (OTT) pourrait voir le jour d’ici 2022. Quelles en seraient les conséquences pour le secteur de la télévision ? média+ fait le point avec Jacques BAJON, expert média pour l’IDATE DIgiWorld, think tank de l’économie numérique.

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La Premier League a indiqué vouloir développer un projet de plateforme en streaming. Doit-on s’attendre à l’émergence d’un «Netflix du sport» ?

Jacques BAJON

Le concept existe déjà. Ce service s’appelle DAZN et vient tout juste d’être disponible en France. Il s’agit d’un service OTT existant dans plusieurs pays européens, aux États-Unis mais aussi au Japon et au Canada. Cet acteur achète des droits de sports pour les distribuer ensuite uniquement sur internet. La Premier League souhaite quant à elle distribuer en direct la compétition et ne plus faire appel aux diffuseurs historiques. Nous sommes dans un cadre de distribution en direct.

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Quelle serait la perte pour le média TV ?

Jacques BAJON

S’il se concrétisait, le projet d’auto-diffusion de la Premier League sur Internet créerait un précédent dans le secteur déjà en difficulté de la télévision payante. C’est une perte substantielle de clients et de revenus qui impacterait les leaders du secteur qui comptent plus que jamais sur les droits du football pour conserver leurs abonnés. Le risque est important pour le média TV en effet mais il est à relativiser. La Premier League a annoncé vouloir faire un test à l’international et non sur le marché anglais. Pour rappel, le football anglais est le plus populaire au monde. Les droits de cette compétition sont achetés par de nombreux opérateurs de TV payante. La perte amputerait donc ces derniers.

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Et qu’en est-il pour le consommateur ?

Jacques BAJON

Pour une telle offre et un tel service, le prix proposé au consommateur sera inférieur à celui proposé par un bouquet d’un opérateur de TV payant. Le téléspectateur ne paye que pour ce qu’il souhaite, à savoir visionner la Premiere League. Cet avantage présente un inconvénient de taille : la fragmentation de l’offre. Le consommateur va devoir s’abonner à plusieurs offres, et son budget ne sera sans doute pas le même.

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Quelle sera la nature du contrat avec la Premiere League ?

Jacques BAJON

L’équation économique va être intéressante à suivre. La Premier League a annoncé deux types de contrats. Ainsi, sur certains marchés, l’offre sera disponible en complémentarité avec la diffusion en TV linéaire et sur d’autres marchés exclusivement via internet. Pour exemple, la dernière vente de droits en Scandinavie s’est élevée à 2 milliards de Livres. C’est énorme. La Premiere League ne peut pas prendre le risque, sur ce marché, de diffuser seulement sur internet la compétition et d’avoir des revenus inférieurs. Pour une diffusion en direct sur Internet, la Premiere League va devoir lancer des opérations marketing et régler les coûts de diffusion. La question que va se poser cet acteur est simple : sur quel marché suis-je rentable avec une diffusion en direct numérique ?

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Les diffuseurs historiques peuvent-ils se défendre ?

Jacques BAJON

Les diffuseurs sont dépendants des vendeurs, des détendeurs de droits. Mais ils ne sont pas démunis. En effet, les acteurs traditionnels ont certains atouts : ils ont les moyens d’assurer un support financier important à la Premiere League et ils savent commercialiser ce type de produits. De plus, ces acteurs ont d’ores et déjà une base d’abonnés parfois forte.