L. FRISCH (Radio France) : «La réalité virtuelle participe à la spatialisation de l’expérience sonore»

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Laurent FRISCH, Directeur du Numérique de Radio France

«Réalité virtuelle, la prochaine révolution dans les médias ?». Voici toute la logique de réflexion de Radio France pour optimiser l’expérience utilisateur afin de capter par la même occasion de nouveaux publics friands de technologies et d’expériences sonores singulières. Pour en savoir davantage sur la stratégie digitale du groupe public, média+ s’est entretenu avec Laurent FRISCH, Directeur du Numérique de Radio France.

MEDIA +

La réalité virtuelle en radio, est-ce une tendance de fond ?

LAURENT FRISCH

La réalité virtuelle et la réalité augmentée sont des notions à la mode. Nous les considérons comme des modalités qui sont intéressantes à suivre. Elles peuvent apporter des éléments nouveaux dans la façon de raconter des histoires. Nous sommes aujourd’hui dans une phase exploratoire où nous faisons preuve à la fois d’enthousiasme et de scepticisme dans notre progression sur la réalité virtuelle. Elle participe, en radio, à la spatialisation de l’expérience sonore. A vrai dire, en y réfléchissant en interne, nous nous sommes rendu compte que la radio en stéréo procurait nativement une forme d’immersion de ce type.

MEDIA +

Radio France mise-t-elle sur l’immersion sonore ?

LAURENT FRISCH

Absolument ! Et cela peut se traduire techniquement de différentes manières. Celle que nous affectionnons particulièrement est le son binaural, à savoir la spatialisation sonore au casque à 360°. Cela permet de nous immerger dans des espaces sensoriels différents, tout en étant accessible sans équipement particulier. Nous avons acquis également quelques convictions. Sur la musique classique et symphonique par exemple, la spatialisation du son fonctionne. D’autres expérimentations ont été menées avec la série «Séquences», que nous coproduisons avec France TV et Milgram, et qui offre des sessions de musique électronique enregistrées en son spatialisé et diffusées par Radio France et Culturebox. Elle promet au spectateur une immersion dans le rapport singulier homme-machine à travers la musique électronique.

MEDIA +

Comment ces expériences sensorielles peuvent-elles se déployer ?

LAURENT FRISCH

Grâce à nos différents sites internet. Quand nous organisons par exemple un concert avec France Musique en son 3D, cette expérience est disponible sur la plateforme de la chaîne. N’importe qui peut aller s’y brancher, mettre un casque depuis un ordinateur ou un smartphone. Dans le champ de l’innovation, nous mettons à disposition nos expérimentations sur le site hyperradio.radiofrance.fr/son-3d.

MEDIA +

Le numérique peut-il consolider l’expérience utilisateur ?

LAURENT FRISCH

Ce que l’on veut, c’est trouver de nouvelles façons de parler à notre public. Cela passe par la conquête de nouveaux auditeurs, et la conservation de notre audience actuelle sur la durée. A cet effet, il faut adapter la radio aux contextes d’utilisation. France Bleu Mayenne est particulièrement moteur dans l’expérimentation des technologies de réalité virtuelle. Nous y développons des panoramas à 360° avec du son 3D. Prochainement disponible, une pièce de théâtre filmée en 360°. France Bleu Loire Océan a mis en ligne un concert à 360° avec son binaural head-tracké (qui suit les mouvements de la tête). On prévoit d’autres choses d’ici la fin de l’année mais on ne peut pas encore dire quoi.

MEDIA +

Le but de la manœuvre est-il d’optimiser l’interaction avec le public ?

LAURENT FRISCH

Nous essayons d’amener le public à vivre une expérience enrichie. Il existe différents niveaux de distance entre une personne et le contenu. Avec la radio, le mariage de l’image à 360° et du son 3D offre un niveau d’immersion supplémentaire.

MEDIA +

Comment réagissent vos auditeurs face à ces expérimentations ?

LAURENT FRISCH

Très positivement. Nous avons beaucoup de projets dans ce domaine. Nous avons mené une expérimentation avec Citroën Racing pour offrir une vidéo à 360° avec des sons head-trackés sur les réseaux sociaux. Nous apprenons à utiliser notre technologie dans des champs différents. Petit à petit, cela impacte l’éditorial avec une version radiophonique et une autre beaucoup plus immersive.

MEDIA +

Quels sont les autres chantiers du numérique à Radio France ?

LAURENT FRISCH

Ces 2 dernières années, nous avons remis à niveau nos sites et la qualité de la mise en ligne des sons. Nous étions très en retard. Le principal chantier qui nous attend consiste à mettre à niveau notre offre d’applis mobile et tablette. D’autre part, nous devons trouver de nouvelles formes d’écriture de la vidéo. Jusqu’à présent, nous considérions que la vidéo se limitait à la radio filmée. Cela fonctionne très bien dans certains cas, notamment auprès des humoristes de nos antennes. Mais nous travaillons aussi à la mise en image de la radio à l’aide de photos, pictogrammes, infographies, cartes et citations. La vidéo nous intéresse car elle permet de toucher un public nouveau, plus jeune, en particulier sur Facebook et YouTube. On atteint 1 M de vidéos vues par jour, toutes plateformes confondues. Il y a 2 ans, nous étions à 1 M de vidéos vues par mois.

MEDIA +

Quel est votre budget numérique ?

LAURENT FRISCH

Près de 11 M€ en investissement et fonctionnement sur 2017. C’est le double vs. 2014. Nous avons un effectif d’environ 50 postes en central et moins de 100 personnes dans les chaînes en édition numérique.