La Berlinale au chevet du climat

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Face à l’urgence climatique et à un climato-scepticisme persistant, la Berlinale, fidèle à sa tradition de festival de cinéma engagé, trace le portrait d’une humanité destructrice pour la planète, tout en présentant quelques solutions. «Nous avons atteint un moment sans précédent dans l’histoire de notre planète: les humains affectent maintenant la Terre et sa géologie plus que toutes les autres forces naturelles combinées», martèle Jennifer Baichwal, réalisatrice canadienne de «Anthropocene: The HumanEpoch». Ce récit, ayant nécessité trois ans de travail sur six continents, recense avec des images aussi époustouflantes que terrifiantes l’impact humain sur l’environnement.Digues de béton sur les côtes chinoises, paysages lunaires des mines de charbon allemandes, désert chilien d’Atacama ravagé par l’extraction de lithium, montée des eaux à Venise, déforestation au Nigeria: la Terre est défigurée par l’homme. Car depuis la révolution industrielle, plus de 390 milliards de tonnes d’émissions anthropiques de carbone ont été rejetées dans l’atmosphère et la production de plastiques a atteint 300 millions de tonnes annuelles, contre deux millions en 1950. A l’inverse, le nombre de vertébrés sauvages s’est effondré de 60% entre 1970 et 2014. L’ONU a ainsi averti début février que les 4 dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées du fait, a priori, des émissions de gaz à effet de serre. Mais la lutte pour le climat reste minée par la résistance de hauts responsables, comme les présidents américain Donald Trump et brésilien JairBolsonaro, qui doutent toujours de la responsabilité humaine dans le changement climatique. Et l’Allemagne, longtemps considérée comme un modèle en matière environnementale, n’atteindra pas ses objectifs 2020 de réduction des émissions. En cause: sa dépendance au charbon. Dans «Earth», Nikolaus Geyrhalter rappelle donc que l’avidité des hommes pour les ressources naturelles semble insatiable, et qu’il faut donc se montrer méfiant face aux avancées technologiques. «On se demande ce que les gens penseront dans 40 ou 50 ans de ce que nous faisons aujourd’hui. La technologie progresse plus vite que les gens ne peuvent vraiment le comprendre», explique le réalisateur. Il prend l’exemple de l’ancienne mine de sel de Wolfenbüttel, dans le centre de l’Allemagne, reconvertie dans les années 1970 en site de stockage «totalement sûr» pour déchets nucléaires. Sauf que les scientifiques avaient mésestimé les risques d’infiltration d’eau, obligeant les autorités à fermer la mine plusieurs décennies plus tard. A côté de ces tableaux pessimistes, certains réalisateurs dont les films sont présentés à la Berlinale, seul festival européen ouvert au grand public, tentent de montrer que la tendance peut encore être inversée. Sous la forme d’une lettre visuelle à sa fille de quatre ans, le cinéaste Damon Gameau tente avec «2040» d’explorer ce à quoi l’avenir pourrait ressembler si l’humanité se tournait massivement vers des solutions déjà disponibles: énergie solaire, transports écologiques, végétalisation de villes ou encore permaculture marine. «Pour y parvenir, il faudra un effort monumental de la part de toutes les facettes de la société (…) mais nous savons que 50% des émissions proviennent des 7% les plus riches et que 71% des émissions proviennent de seulement 100 entreprises», insiste l’acteur et réalisateur australien. En écho, l’Américain John Chester raconte dans «The BiggestLittleFarm» comment il est parvenu en huit ans avec sa compagne à transformer un terrain aride et infertile près de Los Angeles en une immense ferme à l’écosystème prospère et autorégulé. Ce portrait franc et touchant d’un couple idéaliste cherchant à vivre en harmonie avec la nature, un processus ponctué de réussites mais aussi de rudes épreuves, promeut une agriculture et un élevage sains dépourvus de pesticides et médicaments.