La France, terrain de jeu de grosses transactions financières

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SFR avec Numéricable, Lafarge avec le suisse Holcim, et maintenant les groupes informatiques Steria et Sopra: après le net redémarrage des fusions-acquisitions observé dans le monde au 1er trimestre, la France est à son tour le terrain de jeu de grosses transactions financières. 

Il y a huit mois, une première vague d’opérations, avec notamment la fusion géante de Publicis avec l’américain Omnicom dans la publicité, avait sorti le marché parisien de sa torpeur. Mais cette salve (rachat du britannique Invensys par Schneider, de l’italien Loro Piana par LVMH, de Transitions Optical par Essilor…) avait été aussi impressionnante que brève. La fièvre acheteuse de ces derniers temps retombera-t-elle aussi vite? «Il y a un terreau encore plus favorable que l’année dernière», analyse Fabien Laurenceau, stratégiste actions chez Aurel BGC. «Le mouvement est en marche globalement depuis le début de l’année, dans le monde, en Europe, et maitenant en France, et le 1T a été très fort en termes d’annonces», souligne-t-il. Au niveau mondial, la valeur des acquisitions annoncées lors du 1er trimestre a bondi de 26% au 1er trimestre, à 637 milliards de dollars, soit le meilleur début d’année depuis 2007 selon des données compilées par Bloomberg. Avec une prédominance de «deals» dans les télécoms et les nouvelles technologies. Le rachat de Time Warner Cable par son compatriote Comcast, en février, ressort en tête, avec la somme rondelette de 45,2 milliards de dollars. Facebook avait lui aussi fait valser les zéros avec son rachat de Whatsapp (19 milliards), la nouvelle coqueluche de la messagerie via Internet. Le mois dernier, Vodafone, lui-même l’objet de rumeurs de «transaction du siècle», a payé 10 milliards pour s’offrir le cablo-opérateur espagnol Ono. «Déjà, il faut de la confiance des chefs d’entreprises, c’est-à-dire que les principaux risques macroéconomiques soient un peu derrière nous, qu’on ne soit pas dans une époque de stress intense. Or, on a le sentiment depuis quelques mois que les choses commencent à s’améliorer», souligne M. Laurenceau. «La 2ème chose, c’est que les marchés (boursiers) ont progressé. Contrairement à ce qui pourrait sembler assez intuitif de dire: «on va racheter notre concurrent quand le cours de l’action sera au plus bas», ça se passe rarement à ces moments-là, où la situation est très incertaine. Et on a aussi besoin d’avoir soi-même une valorisation forte si on paie en titres», fait valoir l’analyste. Les entreprises ont aussi globalement réduit leur dette ces dernières années, note-t-il. Dans le même temps, la crise offre des opportunités, avec des taux d’intérêt bas, des valorisations boursières encore loin des sommets et des besoins de constituer des alliances plus solides face à des perspectives moyennes. «Ces opérations de grande ampleur, on les voit aussi parce que l’environnement n’est plus ce qu’il était et qu’on regroupe pour essayer d’être beaucoup plus fort», note Isabelle Enos, directrice adjointe de gestion chez B*Capital, une filiale de BNP Paribas. C’est par exemple le cas de SFR, malmenée par la nouvelle concurrence de Free, ou du secteur cimentier pour Lafarge et Holcim qui ont dû réaliser plusieurs restructurations. Mais dans le même temps, le fait que des fusions-acquisitions soient préférées à des introductions en Bourse, comme c’est le cas pour SFR, est un signe de confiance, notent les analystes.