La Lettonie bloque une télévision indépendante russe, accusée de comportements pro-russes

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La Lettonie a annoncé mardi la révocation de la licence de la télévision indépendante russe en exil Dojd («Pluie»), accusée de manifestations de soutien à Moscou. La chaîne, qui s’est installée à Riga en juillet dernier après avoir été bloquée en Russie début mars, peu après l’attaque contre l’Ukraine, a réagi en dénonçant sur Twitter des accusations «injustes et absurdes». Elle a déclaré cesser sa diffusion sur le câble mais rester sur YouTube. Ces accusations formulées par l’autorité lettonne de l’audiovisuel visent notamment sur la présentation d’une carte où la Crimée (péninsule ukrainienne annexée par Moscou en 2014) fait partie de la Russie. Elles portent également sur un appel de la télévision à fournir «des équipements à ces Russes qui sont sur le front»  et l’absence des traductions en letton de ses services d’information. Depuis l’invasion de l’Ukraine, la crainte de la politique agressive de Moscou s’est renforcée en Lettonie, pays balte voisin de la Russie et dont la population de deux millions d’habitants compte un quart de russophones. Moscou a commenté la décision sur un ton relativement neutre. «Certains pensent tout le temps qu’ailleurs c’est mieux qu’à la maison, qu’ailleurs il y a la liberté et à la maison il n’y en a pas. (Dojd) est un exemple du caractère erroné de telles illusions», a dit le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Le régulateur a notamment ouvert une enquête sur l’appel de Dojd à ses téléspectateurs pour la fourniture d’équipements sur le front. Dans cet appel, selon le régulateur, la chaîne a exprimé «l’espoir que nous pourrons aider avec des équipements de base sur le front». Une vague de protestations a suivi et l’animateur qui avait lancé cet appel, Alexeï Korostelev, a été limogé par la chaîne la semaine dernière. Dojd «cessera d’émettre le 8 décembre», a déclaré sur Twitter Ivars Abolins, à la tête du Conseil national des médias électroniques. «Les lois lettones doivent être respectées par tous», a-t-il insisté. La décision du régulateur peut être contestée en appel. Dojd, fondée en 2010 avait été la principale télévision d’opposition en Russie, mais son indépendance et le choix de ses reportages ont entraîné sa marginalisation par les opérateurs du câble à partir de 2014. A Riga, elle se donnait pour objectif de fournir une information indépendante et de combattre la propagande du Kremlin. Elle a été bloquée le 1er mars, dans la foulée de l’offensive russe en Ukraine, largement condamnée par ses journalistes. Plusieurs autres médias ont trouvé refuge dans la capitale lettone dont Novaïa Gazeta Europe et la rédaction moscovite de la Deutsche Welle. Le site indépendant Meduza y travaille déjà depuis 2014. L’autorité de régulation avait averti la semaine dernière que Dojd pourrait perdre sa licence de diffusion en Lettonie à la suite de «violations répétées». Selon la législation lettonne, les chaînes de télévision peuvent perdre leur licence si elles commettent des infractions trois fois en un an. La chaîne avait été condamnée vendredi dernier à une amende de dix mille euros pour avoir diffusé une carte montrant la Crimée, annexée par Moscou, comme faisant partie de la Russie. Les services de sécurité d’Etat lettons avaient alors également annoncé mener une enquête sur la chaîne, avertissant que «compte tenu des crimes commis par les forces d’occupation russes contre l’Ukraine et son peuple, toute aide matérielle ou financière au pays agresseur est illégale et peut impliquer une responsabilité pénale pour financement de la guerre et du terrorisme». Le rédacteur en chef de Dojd, Tikhon Dzyadko, avait assuré que la chaîne n’était «pas impliquée dans la fourniture d’une aide quelconque à l’armée russe». La chaîne rassemble des informations sur les crimes de guerre commis en Ukraine, avait-il expliqué.