La messagerie Signal fait des adeptes chez les personnes soucieuses de la confidentialité de leurs échanges

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Politiques, avocats, journalistes et sûrement quelques criminels: les personnes soucieuses de la confidentialité de leurs échanges installent de plus en plus l’application de messagerie chiffrée Signal, précurseure du genre et appréciée des experts même si elle n’évite pas tous les écueils de la sécurité en ligne. Discuter discrètement sur internet, c’est savoir suivre la dernière mode. L’application Signal, qui remplace la fonctionnalité de SMS sur les smartphones et permet de chiffrer «de bout en bout» messages ou appels audios et vidéos, pourrait ainsi être en passe de gagner la confiance des personnes soucieuses de confidentialité, partageurs de données sensibles et autres détenteurs de secrets professionnels. En février, la Commission européenne l’a recommandée à ses équipes. Les applications concurrentes «Telegram et WhatsApp sont considérées comme risquées car leur code source reste propriétaire, alors que Signal est libre et ne peut être taxé de partisanisme vis-à-vis de tel ou tel Etat. Je recommande moi-même la migration depuis plusieurs mois», explique un cadre historique de LREM, le parti du président français Emmanuel Macron. L’image de l’application russe Telegram, dont les «boucles» de discussion avaient initialement séduit le parti présidentiel et les politiques de tous bords, a été entachée par sa large utilisation par des jihadistes et ses relations troubles avec le pouvoir russe. Quant à l’américaine Whatsapp, elle est le vecteur de plusieurs piratages retentissants (dont celui du téléphone du patron d’Amazon, Jeff Bezos, en janvier). Les origines de Signal remontent à 2010, lorsqu’un groupe américain de chercheurs en sécurité sur mobile baptisé Whisper System crée la messagerie RedPhone. Suite au rachat de la jeune entreprise par Twitter en 2011, l’un de ces chercheurs, Matthew Rosenfeld fonde à San Francisco l’organisation Open Whisper Systems pour continuer le développement d’une messagerie libre. Financé par des dons, il lance Signal en 2015. Sans campagne marketing ni budget de communication, l’appli totalement gratuite devient populaire parmi les lanceurs d’alertes et les journalistes, notamment grâce au soutien public d’Edward Snowden. «Cette application est une des plus recommandées dans le milieu de la sécurité. Son code a été audité par des tiers à de nombreuses reprises. C’est de là que vient la confiance», explique l’expert en informatique Baptiste Robert. Pour le journaliste spécialisé en cybersécurité Damien Bancal, l’outil est «indispensable» pour sécuriser ses conversations lors de leur transmission, même s’il faut rester vigilant sur ses évolutions. Signal repose notamment, comme Telegram ou Whatsapp, sur une architecture centralisée dont les serveurs peuvent devenir une cible pour des pirates ou la censure. L’application impose aussi de communiquer un numéro de téléphone pour initier une conversation, posant des problèmes d’anonymat et potentiellement de piratage. En 2018, la petite organisation a reçu une dotation de 50 millions de dollars de Brian Acton, l’un des fondateurs de Whatsapp qui avait quitté Facebook quelques mois plus tôt: il est devenu président exécutif de la nouvelle «fondation Signal» avec le but de conquérir «des milliards d’utilisateurs». Forte de ces nouveaux moyens, la messagerie veut devenir plus conviviale et populaire. Elle intègre des «stickers», des petits dessins à échanger, permet d’envoyer des messages éphémères et de créer des groupes de discussion. Le nombre d’utilisateurs n’est pas connu, mais selon le spécialiste du marché applicatif AppAnnie, Signal progresse dans les classements: il apparaît désormais au 110e rang mondial des appli sociales en nombre de téléchargements.