La série, une 2de vie pour les livres

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«Game Of Thrones», «La servante écarlate», «Lupin»: les séries adaptées de livres se multiplient avec la montée en puissance des plateformes, offrant une 2de vie à des ouvrages parfois passés inaperçus jusqu’alors. «C’est une tendance très forte depuis quelques années», constate Laurence Herszberg, directrice de Séries Mania, le plus grand festival de séries d’Europe, qui dure jusqu’à vendredi à Lille. «Le roman laisse beaucoup de place à l’imagination et la fiction télévisée investit cet espace: elle précise l’oeuvre ou lui donne une autre dimension», ajoute-t-elle. Cet appétit pour les livres des plateformes de vidéos à la demande, en quête de contenus originaux, fait les affaires des éditeurs. Chez Editis, «nous avons multiplié par deux entre 2020 et 2021 le nombre d’options posées sur un livre par un producteur», indique Alexandra Buchman, directrice des droits audiovisuels du 2ème groupe français d’édition. Une option est une période définie contractuellement – le plus souvent un ou deux ans – pour développer un projet d’adaptation. «Et au moins les deux tiers de ces options concernent des adaptations pour des séries ou la télévision, le reste est pour le cinéma», ajoute-t-elle, précisant que le rapport s’est inversé il y a deux, trois ans. Avec la pandémie et la fermeture des salles obscures, le public s’est réfugié sur le petit écran, où l’offre s’est étoffée avec l’émergence de nouvelles plateformes comme Disney+, lancée aux Etats-Unis fin 2019 et établie au printemps 2020 en Europe, ou Apple TV, arrivée dans une centaine de pays fin 2019. En outre, la réputation de ce que l’on appelait autrefois feuilleton s’est grandement améliorée. «Avant, les écrivains rechignaient beaucoup quand on leur parlait de télévision. Maintenant, tout le monde est biberonné à de «super séries», américaines ou françaises», constate Mme Buchman. Des comédiens, comme Omar Sy dans «Lupin», passent désormais d’un univers à l’autre, sans se poser de questions. Parfois, le livre accède à la notoriété grâce à son adaptation sur le petit écran, comme en témoigne le roman dystopique «La servante écarlate» de la Canadienne Margaret Atwood. «Paru en 1985, le livre est d’abord cantonné dans le genre de la science-fiction. Mais en 2017, la série lui apporte le succès», note François Busnel, présentateur de l’émission «La Grande Librairie», lors d’une conférence à Séries Mania. «Ses ventes explosent: de 2017 à maintenant, 8 millions d’exemplaires ont été écoulés aux Etats-Unis, contre moins d’un million auparavant», poursuit-il. «Il se peut cependant que le lecteur soit déçu ou qu’il ait l’impression d’avoir été trahi car la fiction ne correspond pas à l’imaginaire qu’il s’était construit: adapter un roman comporte une part de risque», souligne Laurence Herszberg. Et certains auteurs refusent, relève-t-elle, comme l’écrivaine française, Anne Berest: «Elle a reçu énormément de propositions d’adaptation pour «La Carte postale»», qui reconstitue l’histoire de ses aïeux juifs morts en déportation, mais elle ne voulait pas que quelqu’un d’autre s’empare de son univers très personnel. Et pourtant, cela représente une manne d’argent non négligeable. Selon Laurence Herszberg, les droits d’adaptation varient entre 10.000 et 500.000 euros pour un livre vendu au-dessus des 400.000 exemplaires. Et souvent, l’auteur est inscrit en coproducteur pour l’intéresser davantage. Editis, qui regroupe notamment les maisons Plon, Robert Laffont, Presses de la Cité, s’est en tout cas adapté: depuis le 1er confinement, des auteurs «pitchent» – résument en quelques phrases, dans le jargon de l’audiovisuel – en ligne pour des producteurs, comme Canal+, Netflix ou Amazon, mais aussi des indépendants, pendant 30’ leur ouvrage tous les mois.Selon Alexandra Buchman, «c’est une grande réussite: chaque mois, sur une thématique, 200 producteurs se connectent».