La vague IA n’épargne pas les collectivités

Le grand chamboule-tout de l’IA n’épargne pas les collectivités, qui n’ont jamais autant expérimenté l’IA générative qu’en 2024 pour tenter d’améliorer la qualité du service public, même si la plupart avancent prudemment. Avec ses investissements ambitieux en matière de vidéosurveillance, Nice, forte de quelque 4.500 caméras, est aussi l’une des villes les plus avancées en matière d’expérimentation sur l’IA, ce qui lui vaut régulièrement des mises en garde de la Cnil. En 2019, son maire Christian Estrosi a testé la reconnaissance faciale lors de son carnaval, et depuis, la métropole a mis en place des outils de vidéosurveillance algorithmique pour repérer les départs de feu ou les dépôts sauvages d’ordures, et expérimente d’autres utilisations plus délicates: repérer les infractions routières, retrouver en temps réel un individu … Entre 2023 et 2024, le nombre de collectivités utilisant la vision par ordinateur, dont les systèmes d’IA connectés aux caméras, est passé de 26% à 40%, selon le baromètre Data Publica 2024. Mais c’est l’arrivée fin 2022 de ChatGPT, star des agents conversationnels, qui a véritablement propulsé l’IA générative dans les communes, selon le baromètre, pour qui les collectivités n’ont toutefois pas cédé «aux sirènes du technosolutionnisme». «Quand on parlait de «smart city» ou de ville intelligente, seules les grandes fonctions urbaines étaient concernées, comme la réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments publics ou la détection des fuites d’eau, mais aujourd’hui l’IA est dans toutes les politiques publiques», assure Jacques Priol, président du cabinet Civiteo. L’IA est par exemple testée pour aider à rédiger des appels d’offres, des délibérations de conseils municipaux, mais aussi pour modéliser la pollution de l’air ou répondre aux usagers, via les robots conversationnels. «Il y a même des tests pour élaborer des cartes scolaires, accélérer l’attribution de logements sociaux ou de places en crèche, ce qui ne va pas sans poser problème s’il y a des biais, voire de la discrimination», poursuit M. Priol, reconnaissant toutefois que le caractère «immensément consommateur d’énergie» de certains systèmes d’IA constitue un frein important. Une fois testées, certaines applications sont ensuite généralisées, comme en Ile-de-France, où un algorithme d’IA générative permet aux agents d’interroger des bases de données de la Région. «C’est une sorte de conciergerie numérique qui peut potentiellement faire économiser 15% de ressources humaines», explique Bernard Giry, chargé de la transformation numérique. Certains projets ambitionnent d’être une aide à la décision pour les élus, plongés dans un univers normatif de plus en plus touffu. A Béthune (Pas-de-Calais), le maire Olivier Gacquerre travaille ainsi à une plate-forme de données collaboratives pour disposer d’un «outil dynamique de connaissance du territoire». «Si l’on veut faire un nouveau lotissement à tel endroit, on pourra l’interroger sur les conséquences en termes de mobilité», explique l’élu UDI. A Paris Saclay, l’IA devrait permettre de mieux anticiper les crues de rivière, tandis qu’à Lyon Métropole, elle est mobilisée pour savoir quel arbre planter et à quel endroit. Certaines collectivités ont toutefois mis le holà, comme à Montpellier, où un moratoire sur l’utilisation de ChatGPT par les agents de la métropole a d’abord été instauré avant d’aller plus loin, de peur que l’IA ne siphonne les données publiques. Nantes Métropole a, elle, interdit l’usage de l’IA pour des prises de décisions individuelles concernant les usagers du service public. «Si l’IA fait 5% d’erreur en gagnant 20% de productivité, une entreprise prendra le risque de l’utiliser, mais une collectivité n’aura pas le droit de le faire», observe Jacques Priol. «Il faut être toujours vigilant parce que l’IA n’est pas objective et qu’elle est faillible», prévient également Clément Baylac, conseiller numérique d’Intercommunalités de France.