L’arrêt forcé de Radio Caracas Television (RCTV), grande chaîne d’opposition au Venezuela, met fin à la guerre médiatique déclenchée par l’accession de Hugo Chavez au pouvoir il y a huit ans. En refusant de renouveler dimanche sa licence, le chef de l’Etat a écarté des ondes la dernière chaîne d’envergure nationale qui demeurait hostile à son régime. Hormis les journaux et les radios, l’opposition ne dispose plus que de la station Globovision, captée seulement dans la capitale ou par le câble, pour faire entendre sa voix à l’écran. Le reste du paysage audiovisuel est dominé par les médias financés par l’Etat, auxquels s’ajoute la nouvelle «télévision socialiste» TVES, qui occupe désormais la fréquence de RCTV. Autant de chaînes diffusant largement la propagande ou les discours du président vénézuélien qui dispose d’un programme télévisé propre, baptisé «Alo Presidente» au cours duquel il assure la communication de son gouvernement. Selon le sociologue Tulio Hernandez, l’arrivée de Chavez à la présidence du Venezuela «a coïncidé avec la débâcle du système des partis», une situation qui a contraint les médias à se lancer dans l’arène politique. «Les médias de l’Etat sont devenus prosélytiques et les chaînes privées sont entrées dans l’opposition», explique-t-il. Cette confrontation a atteint son paroxysme en avril 2002 quand les milieux d’affaires, hostiles à la «révolution socialiste» du chef de l’Etat, ont mené un coup d’Etat qui a écarté Chavez du pouvoir durant deux jours. Les médias privés avaient soutenu les putschistes en s’abstenant, à l’image de RCTV, de retransmettre les manifestations populaires en faveur du pouvoir. Un an plus tard, ils appuyaient la grève générale qui paralysa le pays. L’échec cuisant du référendum «révocatoire» lancé par l’opposition en 2004 pour chasser Chavez de la présidence constitue un revers fatal pour les médias engagés contre lui. L’une des principales chaînes, Venevision, propriété du magnat Gustavo Cisneros, change à cette époque sa ligne éditoriale pour adopter une position plus docile envers le gouvernement. Contrairement à RCTV, son ancien concurrent, le renouvellement de sa licence par la Commission nationale des télécommunications (Conatel) n’a posé aucun souci ce week-end dernier. Comme le souligne Ewald Scharfenberg, directeur de l’Institut Presse et société, le président vénézuélien a bien donné une «explication politique» à la disparition de RCTV en la traitant de chaîne «putschiste». «L’annonce du non-renouvellement de la concession de RCTV n’a pas été prononcée par la Conatel, mais par le président depuis la plus importante place militaire» à Caracas. Toutefois ce spécialiste des médias assurent qu’il reste encore au Venezuela «beaucoup de marges de liberté, notamment les médias régionaux et alternatifs comme ceux d’Internet».