L’annonce d’une prochaine suppression de la publicité sur les chaînes publiques suscite depuis trois mois un débat sur l’ensemble de l’audiovisuel français, public et privé, qui souffre selon une majorité des acteurs du secteur d’«un sous-financement chronique». Les chaînes publiques pâtissent d’une redevance trop faible et les chaînes privées d’un marché publicitaire qui leur est moins favorable, ont exprimé en substance plusieurs personnalités du paysage audiovisuel français, réunis en fin de semaine par l’hebdomadaire «Télérama» sur le thème d’un «big bang» de la télévision. «C’est tout l’audiovisuel qui est en ébullition», a noté Philippe Bailly, du cabinet NPA Conseil, regrettant que la commission Copé, chargée de travailler sur la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, limite ses travaux au secteur public. La législation publicitaire en France, «moins favorable aux chaînes privées que chez nos voisins européens», n’a pas causé beaucoup de problèmes au cours des 20 dernières années car les chaînes compensaient la rareté des écrans par le prix de vente des espaces, a relevé David Kessler, directeur de France Culture et chargé d’un rapport sur l’audiovisuel avec Dominique Richard. Mais la montée des chaînes de la TNT et de l’Internet, qui prennent une part grandissante d’un gâteau publicitaire stagnant, modifie cet équilibre, a-t-il ajouté. «On a d’un côté des charges qui augmentent et de l’autre un chiffre d’affaires publicitaire stable ou en repli» chez les chaînes privées, a noté Matthieu Mouly, analyste financier chez Natixis. L’annonce de Sarkozy de supprimer la publicité sur les chaînes publiques, qui devrait entraîner un report des budgets publicitaires sur les antennes privées, «ne change pas le sens de l’équation», selon l’analyste. «Je suis convaincu que la télévision va devoir se serrer la ceinture» et «il va falloir trouver de l’argent ailleurs», par exemple dans la production, l’Internet ou le télé-achat, a renchéri Nicolas de Tavernost, le patron de M6. La transposition de la nouvelle directive européenne assouplissant les règles sur la publicité à la télévision «sera un «plus» pour les chaînes privées au milieu de l’extrême misère qui nous est décrite», a déclaré la ministre de la Culture Christine Albanel, avec une pointe d’ironie. Quant aux chaînes publiques, elles pâtissent d’une redevance très inférieure à celles des voisins européens (116 euros, soit près de moitié moins qu’en Allemagne ou en Angleterre), et la prochaine suppression de la publicité inquiète plusieurs acteurs du PAF. «On a une classe politique qui n’a jamais assumé le coût d’un service public de télévision», a regretté Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). La redevance n’a pas été augmentée depuis 2001 alors que la simple indexation sur l’inflation la porterait à 128 euros. «Et on fait disparaitre 800 millions d’euros sans nous dire comment on va les remplacer!», a ajouté Pascal Rogard. Sur les 2,8 milliards d’euros de budget de France Télévisions, 800 millions sont apportés par la publicité. Si la publicité est supprimée seulement à partir de 20h00 dans un premier temps, selon l’une des hypothèses étudiées par la commission Copé, le manque à gagner sera d’un peu moins de 600 millions, a indiqué Damien Cuier, directeur financier du groupe audiovisuel public.