Le groupe TF1, menacé dans sa position de premier groupe audiovisuel français, tente de rebondir en s’installant sur la télévision numérique terrestre (TNT), où il s’apprête à prendre le contrôle de deux chaînes gratuites, NT1 et TMC. Le groupe a annoncé jeudi qu’il était entré en «négociations exclusives» avec Claude Berda, actionnaire majoritaire du Groupe AB, pour le rachat, contre 192 millions d’euros, de la chaîne NT1 d’une part et des parts du Groupe AB dans la chaîne TMC (soit 40%) d’autre part. A la signature de l’accord prévu «dans les prochaines semaines», TF1 sera ainsi propriétaire de 80% des parts de TMC, première chaîne de la TNT gratuite en terme d’audience (TF1 possédait déjà 40% des parts de cette chaîne) et de la totalité de NT1, au cinquième rang des nouveaux entrants de la TNT. TF1 ne cache pas sa volonté de prendre ainsi pied dans le domaine de la TNT, sur laquelle il n’avait pas jugé nécessaire d’investir au moment de son lancement fin mars 2005. Par ce rachat, souligne TF1, le groupe entend «relever les défis industriels résultant de la nouvelle donne économique et concurrentielle marquée par la multiplication des offres gratuites et l’arrivée de nouveaux acteurs». «TF1 retrouve et réaffirme son statut de leader audiovisuel, y compris dans l’univers numérique», analyse Philippe Bailly, responsable de l’agence NPA Conseil. L’audience cumulée de TMC (2,4% de part d’audience nationale fin mars, selon Médiamétrie), de NT1 (1,3% de pda) et de la chaîne TF1 permet au groupe de franchir la barre de 30% de pda dans l’univers numérique. Un niveau «qui permettait à TF1 d’être leader dans l’ancien monde analogique», remarque Philippe Bailly. L’annonce du groupe TF1 intervient après la publication de mauvais résultats au premier trimestre (résultat net en chute de 91%, par rapport au 1er trimestre 2008, pertes opérationnelles de 12 millions d’euros). Davantage que son principal concurrent privé M6, TF1 a souffert de la crise qui a entraîné une baisse générale des investissements publicitaires. Selon l’agence Yacast, entre le 5 janvier, date à laquelle la publicité a disparu des écrans de la télévision publique après 20h00, et le 24 mai, les recettes de TF1 ont baissé de 14%, tandis que celles de M6 baissaient de 6%. Florence Leborgne, spécialiste de la télévision dans la société de conseil Idate, met en garde sur le «risque potentiel» pour le groupe TF1 «d’être présent dans des chaînes qui sont concurrentes de sa propre chaîne leader», avec «des risques potentiels de cannibalisation d’audience», et donc du marché publicitaire. Pour éviter ce danger, il faudrait que TF1 fasse évoluer les grilles de programmes de TMC et NT1, afin de rendre ces deux mini-généralistes moins directement concurrentes de TF1. Reste à savoir, précise Florence Leborgne, si le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) autorisera une telle évolution. Elle cite le cas du groupe M6, qui pratique une «stratégie de complémentarité» entre sa chaîne premium et sa chaîne gratuite sur la TNT, W9.