Le Sénat a voté vendredi, dans le cadre du projet de loi contre le séparatisme, un amendement de Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants, visant à rendre les plateformes numériques «civilement et pénalement responsables des contenus qu’elles diffusent».
«Les réseaux sociaux sont devenus dangereux. Ils injurient, ils humilient, ils blessent et parfois pire. Ils commencent à miner la démocratie», a déclaré M. Malhuret. Selon lui, «l’impuissance» du législateur tient au fait qu’il a cédé «à l’argumentaire des plateformes numériques (…) expliquant qu’ils étaient de simples hébergeurs».
Or, leur «business model délétère» aboutit, «par l’intermédiaire des algorithmes, à sélectionner les contenus les plus discutables, les plus extrêmes, les plus polémiques, les plus violents, car ce sont ceux qui génèrent le plus d’émotions, donc le plus de messages, donc le plus de fric», a-t-il affirmé.
L’amendement a été voté à main levée, contre l’avis du secrétaire d’Etat chargé du Numérique Cédric O, comme de la commission des Lois du Sénat. Les députés pourront revenir dessus.
Il «est contraire au droit européen actuel», a fait valoir la rapporteure centriste Dominique Vérien. Cédric O a pour sa part reconnu que les plateformes n’étaient pas «que de simples hébergeurs» car elles «accélèrent les contenus». Mais il a jugé «abusif de considérer qu’ils sont des éditeurs, parce que cela les forcerait à revoir l’ensemble des contenus publiés sur leur plateforme et donc tuerait le modèle».
Pour le ministre, «la bonne manière d’approcher le sujet» est celle privilégiée au niveau européen, «de trouver un tiers statut entre éditeur et hébergeur».
«Vous dites «on va tuer le modèle», mais d’abord ce n’est pas le nôtre, on le subit», a réagi la sénatrice centriste Nathalie Goulet.
L’amendement a aussi reçu le soutien de la gauche de l’hémicycle.
«Il y a un moment donné où il faut arrêter de tout accepter, et envoyer un message politique fort», a déclaré Pierre Ouzoulias (CRCE à majorité communiste), tandis que David Assouline (PS) a estimé que le gouvernement avait «tendance à être un peu complaisant avec ces grandes plateformes qu’il faut maintenant un peu mettre au pas».