«L’Ecole du bout du monde» : le 1er film bhoutanais nommé pour un oscar

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Tourné aux fins fonds d’un des pays les plus isolés de la planète, niché dans les montagnes de l’Himalaya, «L’Ecole du bout du monde» est le 1er film bhoutanais nommé pour un oscar. Il questionne «la quête du bonheur», selon son réalisateur, Pawo Choyning Dorji. Nommé en janvier aux Oscars dans la catégorie du meilleur long métrage international, «L’école du bout du monde» se trouve à Lunana, le village du Bhoutan où a été tourné le film. Situé à 3.400 mètres d’altitude, il ne compte pas plus d’une cinquantaine d’âmes, à dix jours de marche de la route la plus proche. Le scénario de «Lunana: a Yak in the Classroom», son titre original, est empreint de mysticisme bhoutanais et de références au respect de la nature. L’action se déroule dans un décor naturel intact aux vastes étendues de terres vierges et aux sommets enneigés. L’histoire traite des difficultés d’une société en transition symbolisée par Ugyen, un enseignant mécontent d’avoir été muté dans ce trou perdu de Lunana, village d’éleveurs de yacks et de ramasseurs de champignons, lui qui rêvait d’une carrière de chanteur en Australie. «Il s’agit d’une histoire humaine universelle, sur la quête de ce que l’on désire, de sa place (dans le monde), du bonheur», déclare le réalisateur de 38 ans. A son arrivée dans le village, Ugyen se montre plutôt négatif mais la gentillesse des habitants, – interprétés par les véritables villageois de Lunana qui, pour la plupart, n’ont jamais vu de film – le conduisent à une remise en question. Quand ses jeunes élèves lui font remarquer qu’un enseignant «tutoie l’avenir», touché, sa perspective commence à bouger. Le statut d’enseignant est très respecté au Bhoutan. Avec les médecins, et les fonctionnaires, ils sont parmi les mieux payés du pays. Pourtant des centaines d’entre eux démissionnent chaque année. Le Bhoutan célèbre pour son indice du Bonheur national brut (BNB), privilégie le bien-être de sa population plutôt que sa croissance économique. Malgré tout, des milliers de Bhoutanais ont quitté le pays ces dernières années à la recherche de meilleures opportunités économiques et de formation. «Tant de Bhoutanais semblent quitter ce soi-disant «pays du bonheur», en quête du bonheur ailleurs», constate Dorji. «Il n’y a rien de mal à cela», ajoute-t-il, «c’est la vie». L’Australie, où le Bhoutan a ouvert une ambassade en octobre, est la destination favorite de ces émigrants. Au Bhoutan, on évoque désormais «le rêve australien». Lunana incarne cette mutation sociétale. La 3G y a été installée juste au moment où la production du film s’achevait. La jeune élève, star de l’école et du film, Pem Zam, raconte Dorji, lui «envoie des messages sur Facebook. Même l’enseignant là-bas poste de belles photos sur Instagram». Les hivers sont longs et rigoureux au Bhoutan. L’électricité n’est produite que grâce à l’énergie solaire. Les multiples défis de logistique sont de poids. Pour y acheminer les équipements et matériels nécessaires au tournage du film, il a fallu recourir à 75 mules. Plus de 70 voyages en hélicoptère ont été effectués pour le transport des acteurs et des équipes de tournage. Le yack de l’école, lui, est mort de vieillesse quelque temps après le tournage. «C’était l’une des stars du film», rappelle le cinéaste. Le créditer comme tous les autres acteurs au générique est «juste la façon dont les choses se font au Bhoutan», explique-t-il aussi, «nos bêtes ne sont seulement pas des bêtes, elles ont des noms et des personnalités». C’est la 2ème fois qu’un film bhoutanais est en compétition de l’Academy Award, après «The Cup» de Khyentse Norbu, mentor de Dorji, qui avait été salué par la critique en 1999, mais pas au point de rejoindre les finalistes. «L’école du bout du monde» a déjà été récompensé par 18 prix dans des festivals internationaux, mais Dorji assure n’avoir «aucune attente» en ce qui concerne sa potentielle consécration le mois prochain.