Les plateformes de vidéo à le demande dépoussièrent les «true crimes»

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«Grégory», «Making a Murderer», «Ted Bundy» : les plateformes de vidéo à la demande dépoussièrent les «true crimes», séries documentaires inspirées de faits divers réels, exploitant la fascination du public pour les affaires criminelles. Pour ces documentaires, «les plateformes font appel à des scénaristes de cinéma qui travaillent habituellement dans la fiction, et redonnent un nouveau souffle au fait divers», explique Éric Pierrot, ancien producteur de l’émission «Faits divers le mag» sur France 2. Rien qu’en décembre 2019, le géant de la vidéo à la demande (SVOD) Netflix a dévoilé deux nouveaux «true crimes»: «Parole de Tueur» et «Dont f**k with Cats», qui relate la traque du «dépeceur de Montréal» Luka Magnotta. Bien que la plateforme ne dévoile pas ses chiffres d’audience, elle a annoncé que son premier «true crime à la française», «Grégory» sur l’affaire Villemin, sorti le 20 novembre, était le deuxième documentaire original le plus visionné en France en 2019. Mis en ligne le 18 décembre, «Don’t f**k with Cats» a aussi attisé la curiosité des amateurs de crimes sordides: la série s’est classée sixième du Top Documentaires 2019 de Netflix France en l’espace de quelques jours.Outre Netflix et son large catalogue, la chaîne HBO avec la série «The Jinx» mais aussi des podcasts («Serial», téléchargé plus de 340 millions de fois sur iTunes) ont contribué à renouveler la manière de raconter ces affaires criminelles. 

«L’encre» et le «sang» : «Les faits divers ont toujours fait recette car l’encre et le sang se marient bien», analyse Lucie Jouvet-Legrand, sociologue et spécialiste de la criminologie. Avant l’audiovisuel, la presse et la littérature ont déjà largement puisé dans les affaires sanglantes, faisant le succès de livres s’inspirant de faits divers réels, comme le célèbre «De sang-froid» (1966) de Truman Capote. «Il y a un effet cathartique à travers les émotions que l’on ressent (…) le fait divers est un exutoire, qui nous permet de vivre le drame par procuration», détaille Lucie Jouvet-Legrand. «Le fait divers est très propice à une présentation sur le mode de la fiction, avec des rebondissements et une dimension feuilleton», ajoute Jamil Dakhlia, sociologue des médias à l’Université Sorbonne Nouvelle. Avant Netflix et ses super-productions, des magazines comme «Faites entrer l’accusé», diffusé sur France 2 et bientôt sur RMC Story, ont popularisé le genre auprès du public français, avec une mise en scène sombre inspirée du cinéma. Contrairement à ces émissions, les plateformes SVOD misent désormais sur le «long-seller», explique Eric Pierrot, des programmes susceptibles de fonctionner pendant plusieurs années et qui s’affranchissent des contraintes de diffusion traditionnelles du petit écran. 

Recette gagnante : Sur le modèle des magazines mais avec «des moyens supérieurs et un bien meilleur résultat», les «true crimes» produits par Netflix «utilisent des codes qui se rapprochent du thriller», décrypte Éric Pierrot, qui dirige la société de production Pallas TV. Dans le cas de «Grégory», c’est donc un scénariste et réalisateur de thrillers venu du grand écran, Gilles Marchand («Qui a tué Bambi?», «Dans la fôret»), qui a été choisi pour adapter le drame vosgien en cinq épisodes sur la plateforme américaine. Avec des archives inédites et une atmosphère de film noir, «Grégory» contient tous les ingrédients d’une recette qui a fait ses preuves auprès d’un public plutôt jeune et international. Au risque que ces productions «se ressemblent un peu toutes», nuance le producteur Eric Pierrot. La formule, pour le moment, continue de séduire les abonnés, relançant même l’emballement autour d’anciennes histoires comme l’affaire Grégory, déjà largement médiatisée et remontant à plus de trente-cinq ans.