«Lève les yeux!» de ton smartphone: défi déconnexion lancé dans un collège marseillais

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«Monsieur, il est où l’«ouvre-boîte» pour le téléphone?»: un élève brûle de récupérer l’aimant qui déverrouillera la pochette où est enfermé son téléphone. L’adolescent marseillais avoue l’utiliser jusqu’à 15 heures par jour. Comment survivra-t-il au défi déconnexion lancé dans son collège pendant une semaine? Dans cette classe de 3e du collège Vieux-Port à Marseille, les élèves avouent être sur des écrans au minimum 6 heures par jour et jusqu’à 15 heures le week-end. «Je dors cinq à six heures par nuit mais je sais qu’on devrait dormir entre huit et dix heures», confie un collégien. «Cela a un impact sur les apprentissages, leur concentration, leur comportement. La surexposition aux écrans hors temps scolaire a des conséquences négatives», met en garde Carine Sauvayre, coordinatrice du réseau Vieux-Port d’éducation prioritaire renforcé, évoquant un «problème de santé publique». En moyenne, les 7-12 ans passeraient 9 heures par semaine sur internet, un chiffre qui grimpe à 18 heures par semaine pour les 13 ans et plus, selon l’édition 2022 de «Junior Connect», réalisée avec les groupes de presse Bayard/Milan et Unique Heritage Media. Le collège Vieux-Port a donc décidé de faire appel à une des rares associations qui travaille sur cette addiction: «Lève les yeux!», créée en 2018. Elle propose un défi déconnexion en deux temps: un atelier préparatoire dans chacune des 16 classes, puis une semaine où chacun sera invité à limiter au maximum sa consommation. Pour aider les élèves, des activités (échec, break-dance, ateliers de cyber-harcèlement…) sont proposées sur les temps périscolaires. Durant l’atelier préparatoire, les élèves doivent placer leur téléphone dans une pochette qui verrouille l’appareil, dispositif utilisé dans des salles de spectacle. Puis on leur propose le jeu «Planète déconnexion». Une sorte de Memory qui invite à réfléchir à des situations avec/sans écran. «Il y a trop de divertissements, on joue, on répond à des messages», se rend compte Ousmane (prénom modifié). «C’est la captologie: les plates-formes vont capter votre attention car plus vous passez du temps, plus vous regardez des pubs, plus ils vont gagner de l’argent», leur répond Léo Derivot, photographe et intervenant pour l’association. Dans leur livre «La guerre de l’attention», les cofondateurs de Lève les yeux!, Yves Marry et Florent Souillot, responsable du numérique chez Gallimard-Flammarion, appellent à résister et à sortir du «techno-cocon».Au début de la semaine du défi, Linda a réduit notablement sa consommation grâce à un puzzle offert par sa soeur. «Mais après il a eu une mise à jour du jeu Genshin Impact et j’ai pas résisté». Elle a quand même réussi à réduire son temps d’écran de 27%, à sept heures par jour, montre-t-elle sur son tableau de bord. Ses camarades n’ont pas montré un enthousiasme débordant pour suivre ce défi et Illies n’y a pas du tout participé. Mais tous semblent au moins avoir pris le réflexe de surveiller leur consommation. Chez les plus jeunes, la promesse d’une sortie accrobranche pour les gagnants a mieux fonctionné. «J’étais un peu stressé mais c’était amusant, j’ai beaucoup joué au foot et j’ai embêté ma soeur», raconte Driss (prénom modifié) qui avait baissé son temps d’écran à deux heures. «Les élèves se sont jetés sur les jeux, les échecs ont été pris d’assaut ce qui prouve qu’ils sont bien en demande d’activités alternatives aux écrans. On a noté également un climat scolaire plus apaisé», énumère Mme Sauvayre. L’an prochain, elle compte travailler avec les crèches et maternelles: «On voit les «enfants Covid» arriver à l’école avec des difficultés de concentration accrues, des retards de langage, des enfants qui ne supportent pas la frustration ou des troubles qui s’apparentent à des troubles autistiques dont on pense qu’ils sont liés à une forte exposition aux écrans dès le plus jeune âge».