Lex Netflix : la Suisse entend galvaniser la visibilité internationale de sa branche audiovisuelle

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La Suisse entend galvaniser la visibilité internationale de sa branche audiovisuelle en obligeant les services de streaming tels que Netflix à investir dans des séries et films locaux. Cette modification de la loi sur le cinéma, adoptée début octobre par le parlement et baptisée «Lex Netflix», devrait selon les sondages être approuvée de justesse par la population dimanche. La réforme tient compte de l’évolution numérique de la consommation audiovisuelle en soumettant les plateformes de streaming à la réglementation en vigueur pour les chaînes de télévision. Le gouvernement espère que la nouvelle réglementation, contre laquelle les milieux de droite ont lancé un référendum, dynamisera le secteur audiovisuel en favorisant la réalisation de séries et films «plus novateurs» à destination des plateformes internationales. «Le cinéma suisse s’est beaucoup internationalisé. Cette nouvelle étape lui permet d’aller encore plus loin», souligne le réalisateur suisse Lionel Baier, dont le film «La dérive des continents» sera à Cannes en sélection officielle de la Quinzaine des réalisateurs. «L’obligation de devoir produire pour l’international et donc d’avoir l’ambition d’imaginer que la série ou le film que vous faites va être vu sur une plateforme dans le monde entier, c’est aussi pousser vers le haut la qualité et l’ambition», explique-t-il. Depuis 2007, les chaînes nationales de télévision doivent investir 4% de leur chiffre d’affaires dans la création cinématographique suisse. Mais les films sont de plus en plus souvent regardés en ligne via des plateformes qui réalisent chaque année en Suisse – principalement de Netflix, Disney+ et Blue – plus de 300 millions de francs (289 millions d’euros) de chiffre d’affaires. La nouvelle réglementation contraindra dès 2024 les plateformes à respecter elles aussi cette obligation d’investir de 4%, en participant directement à des productions (films, séries, documentaires…) ou en payant une taxe. Cette obligation s’appliquera aux chaînes étrangères qui diffusent des spots publicitaires spécifiques à la Suisse, comme TF1 et M6. Selon l’Office fédéral de la Culture, la création cinématographique – qui a bénéficié ces dernières années d’un financement annuel moyen de 105 millions de francs – devrait bénéficier de 18 millions de francs supplémentaires par an grâce à la réforme. Les plateformes de streaming seront par ailleurs tenues de proposer 30% de contenus européens, comme dans l’UE. Avec ce quota, «le risque est grand que d’autres acteurs, comme Spotify et Apple Music, soient eux aussi forcés à l’avenir de proposer 30% au moins de contenus européens», alerte le comité référendaire. Il craint aussi que l’obligation d’investir entraîne une augmentation du prix des abonnements. Cet argument est rejeté par l’Office fédéral de la Culture, selon qui en France l’introduction d’une obligation d’investir jusqu’à 25% des recettes n’a entraîné aucune augmentation des prix. Pour ses défenseurs, la réforme permettra de tourner davantage de films en Suisse, ce qui profitera à l’économie locale, tout en renforçant la compétitivité de la production cinématographique nationale face aux pays européens qui appliquent déjà une obligation d’investir. «Si l’on veut rester présent et être capable de proposer aux nouvelles générations de spectateurs un contenu selon les codes qu’ils aiment, il nous faut entrer dans la course sur ces plateformes», explique Marie Klay, secrétaire générale de l’Association romande de la production audiovisuelle, qui regroupe plus d’une centaine de producteurs dans toute la Suisse francophone. Or «quand on est entouré par des pays qui non seulement ont aussi de très belles histoires et de très bons savoir-faire mais qui en plus sont dotés d’obligations de réinvestir chez eux, il faut comprendre que le choix de Netflix va être vite fait», dit-elle.