Londres émet à son tour des craintes sur la fusion Microsoft-Activision

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L’autorité britannique de la concurrence (CMA) a émis à son tour mercredi des craintes sur l’impact potentiellement négatif pour les consommateurs du projet de rachat de l’éditeur américain de jeux vidéo Activision Blizzard par son compatriote Microsoft. Outre le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) s’inquiètent de cette méga-fusion: l’autorité américaine de la concurrence (FTC) a lancé en décembre des poursuites pour bloquer l’opération et l’UE a ouvert une enquête pour savoir si l’acquisition rendrait les jeux d’Activision exclusifs à la Xbox, console commercialisée par Microsoft. Le régulateur britannique pourrait ultérieurement décider de mesures correctives comme des cessions partielles d’actifs, voire opter pour une interdiction pure et simple de l’opération. La «CMA conclut de manière préliminaire que l’acquisition d’Activision proposée par Microsoft pourrait se traduire par des prix plus élevés, moins de choix et d’innovation pour les joueurs britanniques», détaille-t-elle dans un communiqué. Elle avait lancé mi-septembre une enquête approfondie sur cette opération à 69 milliards de dollars, une somme record pour le secteur, rendue publique début 2022. Dans son communiqué mercredi, la CMA dit que les conclusions préliminaires de son enquête montrent que le rachat d’un des éditeurs de jeux les plus importants du monde «renforcerait la position forte» de Microsoft et «réduirait de manière importante la concurrence» comparé à celle que le géant américain affronterait sans cela sur le marché des jeux dématérialisés au Royaume-Uni. «Cela pourrait altérer l’avenir du secteur des jeux, et potentiellement nuire aux joueurs britanniques, en particulier ceux qui ne veulent pas acheter une console ou un ordinateur de jeux coûteux», ajoute la CMA. Le rachat par Microsoft d’Activision Blizzard, qui édite notamment les succès «Call of Duty», «World of Warcraft» et «Candy Crush», donnerait naissance au 3ème plus gros acteur de l’industrie vidéoludique en matière de chiffre d’affaires, derrière le chinois Tencent et le japonais Sony, fabricant de la PlayStation. En décembre, après le lancement des poursuites aux Etats-Unis, un haut responsable de Microsoft s’était toutefois dit confiant dans la capacité de son entreprise à mener l’opération à bien malgré les procédures en cours. Activision Blizzard a réagi à l’annonce de la CMA mercredi en soulignant que ses conclusions sont préliminaires et qu’elles donnent «aux deux parties l’opportunité d’y répondre», dans une déclaration. «Nous espérons qu’entre maintenant et avril nous serons en mesure d’aider la CMA à mieux comprendre notre secteur», ajoute l’entreprise. Le DG d’Activision Bobby Kotick a déclaré dans un message aux employés du groupe mercredi que «la loi et les faits» sont du côté de l’entreprise. Il assure que les 2 entités combinées vont générer plus de concurrence dans un secteur qui comprend déjà de nombreux acteurs, comme «Sony, Tencent, NetEase, Apple, Amazon», énumère-t-il. «Nous sommes très confiants dans notre dossier», avait déclaré en décembre Brad Smith, président de Microsoft. Il avait notamment mis en avant une proposition de Microsoft faite début décembre à son rival japonais Sony, dans une tribune publiée par le «WSJ», à savoir un accord de 10 ans prévoyant que tout nouvel opus de «Call of Duty» sorte simultanément sur Xbox et sur PlayStation, la console de Sony. Même si la CMA n’a pas encore annoncé de mesures correctives, Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown, estime qu’elle fait «dérailler la prise de contrôle d’Activision Blizzard par Microsoft». Elle observe que le prix de l’action d’Activision, très «inférieur à l’offre de Microsoft, illustre le fort scepticisme des actionnaires» sur les chances de succès de l’opération.