L’UE prête à négocier le projet de législation pour renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques

Les pays membres de l’Union Européenne ont annoncé lundi qu’ils étaient prêts à négocier avec le Parlement européen le projet de législation pour renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques comme Uber ou Deliveroo. Les 27 se sont accordés sur la position commune qu’ils défendront face aux eurodéputés au sujet du texte présenté par la Commission en décembre 2021.

Ce texte prévoit de requalifier comme salariés de nombreuses personnes aujourd’hui considérées comme des indépendants. Alors que les réglementations sur les plateformes sont aujourd’hui très disparates parmi les Vingt-Sept, la proposition entend fixer des règles identiques à l’échelle de l’UE pour déterminer si les livreurs de repas ou les chauffeurs de VTC travaillant pour les grandes plateformes numériques doivent être requalifiés comme salariés.

Bruxelles veut créer une présomption de salariat autour de cinq critères: le fait qu’une plateforme fixe les niveaux de rémunération, supervise à distance les prestations, ne permet pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions, impose le port d’uniforme, ou encore interdit de travailler pour d’autres entreprises. Si au moins deux critères sont remplis, la plateforme serait «présumée» employeur, et devrait se soumettre aux obligations du droit du travail (salaire minimum, temps de travail, indemnités maladie, congés payés, retraite…) imposées par la législation du pays concerné. Les 27 Etats membres veulent restreindre le champ de la présomption de salariat. Leur position prévoit de réhausser le seuil à trois critères, sur un total qui passerait à sept, réduisant le nombre de salariés concernés par une requalification.

Les eurodéputés avaient adopté une position plus protectrice des droits des travailleurs lors d’un vote en séance plénière le 2 février. Ils plaident notamment pour qu’en cas de litige, il incombe à l’entreprise de prouver qu’elle n’emploie pas le travailleur. Les négociations entre pays membres et eurodéputés peuvent désormais commencer et devraient durer plusieurs mois avant d’aboutir au texte final.

La grande majorité des 28 millions de travailleurs des quelque 500 plateformes recensées dans l’UE sont aujourd’hui des travailleurs indépendants. Les plateformes s’opposent farouchement à toute requalification importante, redoutant une multiplication des procédures judiciaires et des conséquences négatives pour l’emploi.

Le texte approuvé par les Etats membres «apporte plus de clarté que la proposition initiale» de la Commission, mais «il ne parvient toujours pas à tracer une ligne assez claire entre l’emploi et le travail indépendant et n’améliore pas vraiment la situation des travailleurs réellement indépendants», s’est inquiété lundi le lobby des plateformes, la fédération Delivery Platforms Europe. La proposition de la Commission prévoit par ailleurs d’imposer une transparence accrue sur le fonctionnement des algorithmes des applications, en informant les travailleurs sur la façon dont ils sont supervisés et évalués (distribution des missions, attribution de primes…).