Malgré le drame de «Koh-Lanta»: la téléréalité est «Rassurante et drôle»

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Le drame de «Koh-Lanta» sonne-t-il le glas de la téléréalité? Non, assurent des experts: ce concept flatte l’ego du téléspectateur en mettant en scène des «personnages» auxquels il peut s’identifier ou qu’il peut dénigrer à l’envi. Un peu plus d’une semaine après la mort de Gérald Babin, un candidat de 25 ans de «Koh-Lanta», l’émission phare de téléréalité de TF1, le médecin chargé de veiller sur les participants s’est suicidé lundi au Cambodge, s’estimant, dans une lettre découverte après sa mort, «sali» par les médias. Douze ans après le «Loft», la toute 1ère émission de téléréalité en France, le concept est devenu polymorphe, regroupant le conseil (décoration, cuisine, éducation), l’aventure («Pékin Express», «Koh-Lanta»), le divertissement («Star Ac’», «Popstars») ou le huis-clos («Les Anges de la téléréalité», «Les Ch’tis», «Secret Story»…). «La téléréalite s’est immiscée partout! Toutes ces émissions ont les mêmes gènes que «Loft» mais on peut considérer que ce sont désormais de vagues cousins», résume Virginie Spies, sociologue spécialiste des médias. Malgré l’immense succès de «Koh-Lanta», regardé en moyenne par 7 millions de téléspectateurs, son avenir sur TF1 pourrait aujourd’hui être compromis. «Pour l’image de TF1 et les annonceurs, ce n’est pas possible de poursuivre. En général, les émissions de téléréalité extrêmes sont condamnées à s’arrêter», estime François Jost, professeur en sciences de l’information.Il s’appuie sur l’interruption de «Fear Factor», brièvement diffusée sur TF1 et dont les épreuves étaient basées sur les phobies des candidats. Ou encore «Trompe-moi si tu peux» (M6), axée sur l’infidélité des conjoints, arrêtée en 2010 après le suicide d’un candidat. «Personne n’est prêt à vivre sous la loupe, sous le microscope», juge de son côté Françoise Laborde, membre du CSA, selon laquelle la téléréalité «a tendance à broyer les gens». 

Pourtant, les téléspectateurs de ces émissions, principalement des 15-25 ans, «sont loin d’être dupes», assure la sociologue Nathalie Nadaud-Albertini, qui va publier en mai «12 ans de téléréalité…au-delà des critiques morales». «Les jeunes maîtrisent les codes de la téléralité à la perfection. Ils la regardent avec distance», affirme-t-elle. Et pour la sociologue Virginie Spies, ces programmes très populaires ont  encore de beaux jours devant eux, en particulier le coaching («L’amour est dans le pré», M6) et l’enfermement (où des garçons musclés et des bimbos, logés dans des villas de rêve, passent leur journée à commenter leurs amours, amitiés et disputes). Mais sur quoi repose donc la longévité du concept de téléréalité, malgré toutes les critiques sur son côté artificiel, la vulgarité de certains personnages ou le vide des conversations? «L’identification, et donc l’attachement aux personnages», explique Mme Nadaud-Albertini. «Au-delà de la dimension superficielle des personnages, ils vivent tous des situations proches des gens: la recherche de l’emploi, la déception amoureuse, l’inimitié». En outre, «tout spectateur a besoin de temps en temps d’avoir des héros qui, au lieu de les écraser comme les superhéros, par leur perfection, sont moins bien que soi», ajoute M. Jost. 

Du coup, poursuit-il, les jeunes téléspectateurs peuvent s’adonner à une de leurs pratiques préférées, «la moquerie et le bashing» (dénigrement). Une phrase idiote prononcée début mars par Nabila, une des candidates des «Anges de la téléréalité» (NRJ12), a donné lieu à des dizaines de parodies sur internet. «La téléréalité est rassurante et drôle. Il y en a pour tous les goûts. Chacun y trouve une forme de plaisir», conclut Mme Spies.