Mathieu BEJOT, Délégué général de TV France International

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Les programmes de TV français commencent-ils à intéresser le marché international ?

MATHIEU BEJOT

Il existe un véritable attrait des programmes français à l’international depuis de nombreuses années. La France est par exemple le 3ème exportateur mondial d’animations, après les États-Unis et le Japon. Nous sommes devenus un fournisseur de contenus assez incontournable dans le monde. Concernant le documentaire, c’est le 2ème genre audiovisuel français qui s’exporte le mieux. Par ailleurs, le marché de la distribution documentaire dispose d’une «french touch» assez reconnue dans le milieu. Côté fiction, nous avons souffert pendant longtemps de séries françaises un peu trop francophones et trop peu rythmées. Aujourd’hui, nous avons le vent en poupe sur le marché international. Nous avons été portés notamment par les créations originales de Canal+. «Braquo» a été primée aux Emmy Awards, «Engrenages» a été vendue en Angleterre sur BBC4, et la série «Les Revenants» vient d’être achetée par Channel 4. 

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La langue française est-elle un handicap pour exporter les programmes de télévision ? 

MATHIEU BEJOT

La langue française pénalise la vente de fictions sur des grandes chaînes étrangères, où le marché est dominé par les séries américaines. Dans les pays ayant l’habitude de sous-titrer la fiction, tels que le Moyen-Orient, l’Asie et la Scandinavie, on nous rapporte que la langue française est moins bien perçue que l’anglais. Il existe néanmoins un marché de niche pour ces programmes.

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Les séries françaises sont-elles handicapées par le faible nombre d’épisodes produits par saison ?

MATHIEU BEJOT

Les chaînes de télévision sont aujourd’hui dans des logiques de volume. Mais parallèlement, vous avez des fictions scandinaves de 10 épisodes par saison qui réussissent très bien à se vendre. On nous reproche souvent de ne pas produire 22 épisodes par saison comme le font les Américains. Sauf qu’aujourd’hui, ce sont les seuls à le faire, et ils le font d’ailleurs de moins en moins. En effet, pour des raisons scénaristiques, les nouvelles séries sur le câble aux États-Unis n’ont que 12 épisodes par an.

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En 2011, la France a vendu pour 38,8M€ de fictions à l’étranger (en hausse de 39,5% par rapport à 2010) selon le CNC. Est-ce la preuve que la création française se renouvelle ?

MATHIEU BEJOT

Oui, clairement ! Même si les fictions commencent à se vendre, cela ne veut pas forcément dire que cette opération est très rémunératrice. Il faut toujours distinguer le montant financier que la vente d’un programme va rapporter, et la visibilité qui va s’en suivre. Les ventes rapportent peu ! Mais elles vont permettre aux séries de percer sur un marché extrêmement prescripteur, facilitant les ventes dans d’autres territoires. En dehors des quelques gros marchés comme l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et l’Angleterre, l’unité de compte dans la vente de programmes, se situe entre 1.000 et 5.000$ de l’heure, alors que les programmes coûtent plusieurs milliers d’euros à produire. 

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Des coproductions internationales d’initiative française et tournées en anglais se sont multipliées. Est-ce une bonne manière d’investir le marché étranger ?

MATHIEU BEJOT

Tout-à-fait! C’est l’une des parades à la difficulté du marché. La coproduction internationale tournée en anglais avec des castings internationaux permettent effectivement de toucher les pays anglo-saxons. Mais cela ne répond pas à tous les besoins du secteur.

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L’exportation des programmes français va-t-elle se poursuivre avec vigueur ?

MATHIEU BEJOT

Je le pense ! La fiction française se renouvelle sur toutes les chaînes. Nous sommes aussi bien présents sur le polar traditionnel, la comédie, que les formats courts. Si les producteurs réfléchissaient dès la phase de conception, à l’export, cela pourra faciliter l’exportation des programmes. Après, vous avez un certain nombre de productions françaises n’ayant pas vocation à s’exporter. Chaque marché audiovisuel conçoit en effet ses propres programmes destinés à son marché domestique.