Moins formaté, plus créatif, le documentaire français s’exporte bien

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A l’inverse des fictions, qui ont bien du mal à rivaliser avec l’hyper-puissance américaine, les documentaires français parviennent à tirer leur épingle du jeu à l’étranger, portés par un regard un peu moins formaté qu’ailleurs et des chaînes qui encouragent la création. Au MIPTV à Cannes, le grand marché international des contenus audiovisuels, le stand de TV France International, l’association chargée d’exporter les programmes français, ne désemplit pas, et producteurs et distributeurs de documentaires enchaînent les rendez-vous à cadence soutenue. Au Mipdoc, manifestation qui a précédé le MIPTV, 12 des 30 documentaires (sur plus de 1.360) les plus visionnés par les acheteurs internationaux étaient français.
De même les deux documentaires les plus vus. Selon Mathieu Béjot, délégué général de TV France International, les Français sont attendus sur des thématiques «classiques» comme «la gastronomie ou l’art de vivre». «Mais, ajoute-t-il aussitôt, on est également assez réputés sur des sujets d’actualité ou d’investigation du type «Le monde selon Monsanto», ainsi que sur tout ce qui concerne l’animalier, le scientifique et l’historique», à l’image du «phénoménal succès» de la série «Apocalypse» sur la 2e Guerre mondiale (France 2) vendue dans près de 170 pays en 2009. Au-delà du contenu, existe-t-il une «french touch» au plan de la forme ? «Il y a un petit côté «arty», mais sans prise de tête», répond Isabelle Graziadey, chargée des ventes de Terranoa, société qui distribue essentiellement des docs français et réalise 70% de son chiffre d’affaires à l’étranger. «National Geographic, par exemple, se régale en regardant notre catalogue, parce qu’il y a du savoir-faire et une forme de lyrisme absent des docs anglo-saxons», explique-t-elle, notant toutefois: «On nous dit souvent que c’est beau mais que ça peut être lent. Il faut trouver le bon dosage». «On nous reconnaît souvent la capacité à avoir un point de vue et à vraiment creuser, là où dans un doc à l’américaine tout est dit dans les trois premières minutes pour que les gens ne zappent pas», assure aussi Mathieu Béjot. Un avis qui n’est cependant pas partagé par Manuel Catteau, patron de Zed, qui produit et distribue également des documentaires. «On ne vend pas à l’étranger parce que c’est français, ce n’est pas quelque chose qu’on met en avant», dit-il. «Pour un doc, ce qui est important, c’est son côté universel. Plus il est culturellement marqué, moins il se vend». Pour Isabelle Graziadey, les docs hexagonaux résistent encore au formatage et, notamment, à «l’invasion de la télé réalité»: dans le monde entier, de plus en plus de documentaires se basent en effet sur des trames scénarisées. France 2 s’y est d’ailleurs déjà essayé avec «Une semaine sans les femmes» début mars. Les «docu-réalité» sont «une tendance lourde», précise Mathieu Béjot car «suivre des personnages fidélise l’audience, et au lieu de faire un seul doc, on réalise une série de 12-15 épisodes.