«PPDA, le prince noir», un livre-enquête polémique

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L’affaire PPDA, c’est notre affaire Weinstein qu’on ne veut pas voir», estime le journaliste Romain Verley, auteur d’une enquête accablante et polémique sur l’ancienne vedette de TF1 accusée de viols, dont plusieurs plaignantes associent le livre à une «maltraitance supplémentaire». Intitulé «PPDA, le prince noir» (Fayard), l’ouvrage, sorti mercredi et déjà écoulé à 20.000 exemplaires, dévoile les multiples facettes de Patrick Poivre d’Arvor, et décrit le «modus operandi» d’un «prédateur» accusé de viols, agression et/ou harcèlement sexuels – qu’il a toujours niés – par des dizaines de femmes. «Tous les soirs, pour le JT du 20H, il y avait des femmes qui étaient invitées à assister à la prestation du Roi soleil», résume Romain Verley, qui a interrogé certaines des accusatrices ayant  témoigné contre PPDA. Fait rare, une des plaignantes a attaqué son livre devant la justice pour réclamer, en vain, sa suspension et la suppression de passages la concernant. Elle reproche à Romain Verley, déjà auteur d’un «Complément d’enquête» sur PPDA, d’avoir rapporté, sans l’avoir contactée, sans son accord et en la citant nommément, les détails du viol qu’elle dit avoir subi et n’a décrit qu’à la police. Saisi en urgence, le tribunal judiciaire de Paris a bien reconnu mardi dernier «la particulière gravité de l’atteinte» à l’intimité de cette femme par «la révélation de détails sordides (…) dans le cadre d’un vécu traumatique». Mais il a estimé que le livre «contribuait directement» à un sujet d’intérêt général et que les passages visés étaient «en corrélation directe» avec «le mode opératoire» de l’agresseur présumé. «Toutes les victimes avaient déjà parlé publiquement ou devant les enquêteurs», se défend Romain Verley. «Il était important de raconter les circonstances de ce viol car cela prouve le côté industriel, mécanique et prémonitoire de toutes les agressions et des viols subis dans le bureau» du présentateur, après son JT. «L’idée n’était pas de rajouter de la violence à ce qu’elle a déjà vécu et qu’elle a eu le courage de dénoncer», assure le journaliste. En réaction, l’auteur et sa maison d’édition ont décidé d’anonymiser son témoignage dans les futures réimpressions du livre, dont les 15.000 déjà lancées. La victime «extrêmement choquée (…) réfléchit toujours à agir au fond au civil», ont indiqué ses avocats, Mes Emmanuel Moyne et Joséphine Doncieux, estimant qu’«il y a encore beaucoup de chemin à faire dans le traitement des violences faites aux femmes». «Notre cliente a accepté de révéler un fait: elle a été violée. Mais elle a aussitôt dit qu’elle ne souhaitait pas le détailler. Aucun journaliste jusque-là n’avait trahi sa volonté», font-ils valoir. D’autres femmes ont dénoncé sur les réseaux sociaux des méthodes de Romain Verley. «En plongeant dans le trash, dans le sordide, il fait un usage pornographique de nos témoignages, sans notre consentement», juge également Hélène Devynck, qui a elle aussi porté plainte contre PPDA et publié en septembre son propre livre «Impunité», où elle dénonce le mode opératoire de PPDA. L’ouvrage de M. Verley «est une maltraitance supplémentaire» qui risque de dissuader d’autres femmes de témoigner, estime-t-elle. «Je ne suis ni le porte-parole des plaignantes, ni l’avocat de PPDA», se défend le journaliste d’investigation, regrettant que la polémique ne «détourne le regard» de PPDA, jamais mis en examen dans ces dossiers.    Or «la société française ne veut pas complètement s’emparer de l’affaire», qui a éclaté en 2021 et fait l’objet de trois enquêtes, dont l’une classée sans suite. «C’est la grande omerta dans les rédactions et chez les «anciens de TF1 (…) très, très haut placés (…) C’est notre affaire Weinstein qu’on ne veut pas voir», lance-t-il, en référence à la déflagration MeToo après les révélations sur l’ex-producteur d’Hollywood Harvey Weinstein, qui purge actuellement une peine de 23 ans de prison.