Protection des lanceurs d’alerte: les sénateurs prêts à un compromis

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Le Sénat à majorité de droite se penche mercredi en fin de journée sur une proposition de loi visant à mieux protéger les lanceurs d’alerte, avec l’objectif de trouver un compromis avec l’Assemblée après avoir été accusé de «dynamitage» par des associations. Travaillée avec le ministère de la Justice, le Conseil d’Etat et les associations, la proposition de loi portée par le député Sylvain Waserman (MoDem) prévoit de mieux définir le statut des lanceurs d’alerte et orienter leurs démarches, mieux les protéger ainsi que ceux qui les assistent, et faciliter leur soutien financier et psychologique, entre autres. Elle transpose en droit français une directive européenne de 2019, en allant au-delà de ce qu’exige le droit européen. Et entend corriger des imperfections de la loi pionnière dans ce domaine – dite «Sapin II» – de 2016. Elle avait été adoptée à l’unanimité en1ère lecture par l’Assemblée nationale en novembre dernier. Mais son examen en commission au Sénat, en décembre, avait fait grand bruit, les associations montant au créneau contre «un dynamitage» du texte. La Maison des Lanceurs d’Alerte, qui fédère des organisations, associations et syndicats, a d’ailleurs appelé à «un rassemblement citoyen» mercredi matin devant le Sénat, avec «la participation de lanceurs d’alerte». Elle  dénonce «les propositions régressives» adoptées par la commission des Lois du Sénat, «qui constituent des attaques extrêmement inquiétantes aux droits des lanceurs d’alerte et à la liberté d’informer et d’alerter». «Il faut savoir lâcher du lest», a pour sa part déclaré la rapporteure du texte au Sénat Catherine Di Folco, à quelques heures du coup d’envoi des débats dans l’hémicycle. La rapporteure va proposer à ses collègues de revenir, à l’article premier, à la définition du lanceur d’alerte telle qu’écrite par les députés. C’est un point majeur d’inquiétude pour les associations. Le texte adopté par les députés définit le lanceur d’alerte comme «une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général», ou une violation d’un engagement international de la France. La commission des Lois du Sénat avait réécrit cette définition, en supprimant la notion de «menace ou préjudice pour l’intérêt général», remplacée par celle «d’actes ou d’omissions allant à l’encontre des objectifs poursuivis par les règles de droit». «J’ai envie d’aller le mieux possible vers un compromis avec nos collègues de l’Assemblée nationale», a indiqué Mme Di Folco, qui souhaite néanmoins «conserver des avancées» qu’elle pense «être saines». Telle la notion de «gravité» des faits concernés. Une autre modification qui inquiète les associations concerne la protection des «facilitateurs», qui accompagnent le lanceur d’alerte. Ne seraient plus reconnus comme facilitateurs que des personnes physiques. Après l’examen du texte en commission, il y a un mois, la Défenseure des droits Claire Hédon avait évoqué «un net recul» par rapport au texte adopté par les députés.Dans une tribune au journal Le Monde publiée la semaine dernière, un collectif de lanceurs d’alerte, dont Irène Frachon (Mediator) et Antoine Deltour (LuxLeaks), avait aussi exprimé sa préoccupation face à «des reculs qui dépassent l’entendement».La rapporteure espère pouvoir «faire retomber le soufflé»,  dans l’hémicycle en «expliquant bien les choses pour aplanir ces doutes». Une centaine d’amendements devraient être débattus en séance. Le Sénat examinera en même temps une proposition de loi organique qui élargit les missions du Défenseur des droits aux lanceurs d’alerte. Une fois le texte voté par le Sénat, députés et sénateurs tenteront de parvenir à un compromis en commission mixte paritaire. En cas d’échec, c’est l’AN qui aura le dernier mot. Les prochains rendez-vous sont fixés les 8 février au palais Bourbon et 16 février au Luxembourg.